La trêve hivernale se termine, les ménages démunis de nouveau expulsables

Publié le 31 mars 2014 à 0h00 - par

La trêve hivernale s’achève mardi matin, faisant de nouveau peser sur de nombreux locataires en situation d’impayés la menace d’une expulsion de leur logement.

Désormais prolongée de 15 jours, jusque fin mars, cette trêve interdit pendant l’hiver les expulsions, qui peuvent donc reprendre le 1er avril à 6h00. « À chaque coup de sonnette, c’est l’angoisse de voir arriver l’huissier, la police… », raconte Patrick Doutreligne, de la Fondation Abbé Pierre. Des familles, mais aussi des personnalités du spectacle en difficultés comme la chanteuse Georgette Lemaire ou la comédienne Marthe Mercadier, se disent menacées.

Salha Drissi, 68 ans, avoue sa « peur ». Cette concierge parisienne à la retraite doit quitter son logement de fonction. Mais avec une pension de 750 euros, impossible de trouver un autre appartement ou de payer les 550 euros de loyer qu’on lui réclame, raconte-t-elle, en attente d’un logement social depuis 13 ans. Endettée, elle a reçu un commandement à rendre ses clefs le 7 avril : « Je ne sais pas ce que je vais devenir ».

« On veut éviter ces drames humains », assure Patrick Sannino, président de la Chambre nationale des huissiers de justice, invitant les personnes menacées à prendre contact avec eux « le plus tôt possible ». En amont, il peut proposer d’échelonner la dette, aider à obtenir des aides, voire alerter les travailleurs sociaux, détaille-t-il. « Quand un huissier arrive à l’expulsion, c’est un échec », affirme-t-il, avant d’avouer : « C’est la partie que je déteste le plus ».

En 2012, plus de 115 000 familles ont fait l’objet d’une décision judiciaire d’expulsion (+ 37 % en dix ans), selon la Fondation Abbé Pierre, et environ 12 000 ont abouti à une expulsion par les forces de l’ordre. Mais au total, la Fondation estime que 50 000 ménages doivent quitter leur logement chaque année, une majorité abandonnant les lieux avant le jour J, par honte ou pression du propriétaire.
 

« Moratoire des expulsions »

Environ 30% des gens à la rue le sont à la suite d’une expulsion, dit Patrick Doutreligne. Certains sont hébergés par de la famille ou des amis, d’autres se retrouvent en centres d’hébergement ou à l’hôtel. Or loger une famille à l’hôtel et placer les enfants en foyer revient beaucoup plus cher qu’un loyer.

La plupart des locataires poursuivis sont véritablement dans la précarité, assurent les associations qui les aident. « Des locataires de mauvaise foi, il y en a, mais la majorité des dossiers concernent des défaillances sociales », confirme Philippe Bourgeac, huissier à Paris.

Pour « mettre en place une vraie politique de prévention », il faut « un moratoire » des expulsions, insiste Christophe Robert, porte-parole d’un collectif de 54 associations. « Un fonds existe pour dédommager les propriétaires, il suffit de l’alimenter ».

À l’inverse, l’Union nationale de la propriété immobilière réclame la suppression de la trêve, qui met les propriétaires en difficulté financière. « De nombreux retraités ont besoin de leurs loyers pour vivre et rembourser leur emprunt », affirme Jean Perrin, son président.

« Les impayés ne concernent que 2,5 % des loyers », explique Eddie Jacquemart, de la Confédération nationale du logement, proposant la création d’une caisse de solidarité « pour payer quand le locataire a un accident de la vie ». Cet objectif devait être rempli par la Garantie universelle des loyers (Gul), dispositif de la récente loi Alur prévu pour entrer en vigueur d’ici 2016 mais qui reste optionnel, déplore-t-il.

De même, l’encadrement des loyers prévu par le texte, aux effets encore incertains, ne rassure pas les associations, et plusieurs d’entre elles, dont Droit au Logement, ont manifesté samedi 29 mars à Paris contre les expulsions, accusant la « cherté des loyers » et réclamant plus de logements sociaux accessibles aux plus modestes.

La reprise des expulsions coïncide par ailleurs avec la remise à la rue de « centaines » de SDF accueillis pendant l’hiver dans des places d’hébergement temporaires dont la majorité va fermer avec le retour des beaux jours malgré la promesse du gouvernement d’en finir avec « la gestion au thermomètre ».
 

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