« Silence vaut acceptation » : publication des décrets d’application

Publié le 5 novembre 2014 à 0h00 - par

Au Journal officiel du 1er novembre 2014 sont parus, pour une application aux demandes présentées à compter du 12 novembre 2014, les décrets d’application, au nombre de 42, fixant, dans le cadre du nouveau principe selon lequel le silence de l’administration gardé pendant deux mois vaut acceptation implicite, les exceptions au principe et / ou au délai de deux mois.

« Silence vaut acceptation » : publication des décrets d'application

1. Du silence valant refus au silence valant acceptation

Il a été admis de très longue date que le silence gardé par l’administration sur une demande qui lui est adressée valait, à l’expiration d’un certain délai (quatre mois puis deux mois), rejet implicite de celle-ci. Le juge administratif ne pouvant être saisi, sauf en matière de travaux publics, que d’un recours dirigé contre une décision1, cette règle permet d’éviter que l’inertie de l’administration ne prive un administré d’une décision et, donc, de la possibilité de saisir le cas échéant le juge administratif. Cette règle a été consacrée par les textes2 comme par la jurisprudence3.

Si des exceptions à ce principe selon lequel le silence vaut refus ont été ponctuellement apportées, ce n’est qu’en 2013 qu’il a été décidé une inversion dudit principe.

L’article 1er de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le gouvernement à simplifier les relations entre l’administration et les citoyens est ainsi venu modifier l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (dite loi DCRA) pour prévoir que le silence vaudrait désormais, en principe, acceptation implicite de la demande.

Ce nouveau principe doit cependant entrer en vigueur à des dates différentes : dans le délai d’un an à compter de la promulgation de la loi du 12 novembre 2013 pour les actes relevant de la compétence des administrations de l’État ou des établissements publics administratifs de l’État ; et dans le délai de deux ans pour les actes pris par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, ainsi que pour ceux des organismes de Sécurité sociale et des autres organismes chargés de la gestion d’un service public administratif. Il convient à cet égard d’observer que le maire agit en certaines hypothèses comme agent de l’État4 et que, dans ce cas, ce sera le délai d’un an qui lui est applicable.

Dans sa rédaction résultant de la loi du 12 novembre 2013, l’article 21 de la loi DCRA énonce ainsi que :

« I. – Le silence gardé pendant deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision d’acceptation.
La liste des procédures pour lesquelles le silence gardé sur une demande vaut décision d’acceptation est publiée sur un site internet relevant du Premier ministre. Elle mentionne l’autorité à laquelle doit être adressée la demande, ainsi que le délai au terme duquel l’acceptation est acquise.
Le premier alinéa n’est pas applicable et, par dérogation, le silence gardé par l’administration pendant deux mois vaut décision de rejet :
1° Lorsque la demande ne tend pas à l’adoption d’une décision présentant le caractère d’une décision individuelle ;
2° Lorsque la demande ne s’inscrit pas dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire ou présente le caractère d’une réclamation ou d’un recours administratif ;
3° Si la demande présente un caractère financier sauf, en matière de Sécurité sociale, dans les cas prévus par décret ;
4° Dans les cas, précisés par décret en Conseil d’État, où une acceptation implicite ne serait pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle et la sauvegarde de l’ordre public ;
5° Dans les relations entre les autorités administratives et leurs agents.
II. – Des décrets en Conseil d’État et en conseil des ministres peuvent, pour certaines décisions, écarter l’application du premier alinéa du I eu égard à l’objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration. Des décrets en Conseil d’État peuvent fixer un délai différent de celui que prévoient les premier et troisième alinéas du I, lorsque l’urgence ou la complexité de la procédure le justifie ».

Le principe « silence vaut acceptation » est donc assorti de très nombreuses exceptions : certaines sont de droit et directement définies par le législateur (1°, 2°, 3° et 5° du I de l’article 21) ; certaines sont de droit mais doivent être définies par décret en Conseil d’État (4° du I de l’article 21) ; certaines enfin peuvent être ajoutées par le pouvoir réglementaire s’il le juge opportun (II de l’article 21). En outre, même lorsque ce principe est maintenu, il est admis que le pouvoir réglementaire puisse fixer un autre délai que le délai de deux mois pour que le silence vaille acceptation (II de l’article 21).

Afin notamment d’identifier les exceptions à ce principe impliquées par diverses normes et devant être précisées par décret, le Conseil d’État a réalisé à la demande du Premier ministre une étude sur l’application de ce nouveau principe5.

2. Les décrets fixant les exceptions

Les décrets prévus par l’article 21 de la loi DCRA, tous en date du 23 octobre 2014, sont parus au Journal officiel du 1er novembre 2014. Élaborés par les services du Premier ministre et par chacun des ministères, ils sont au nombre de 42 et prévoient les exceptions au principe et/ou au délai de deux mois.

Leur nombre s’explique par le fait que chaque département ministériel a, schématiquement, élaboré trois décrets :

– le premier fixant les exceptions de droit au principe « silence valant acceptation » prévues au 4° du I de l’article 21 de la loi DCRA, le délai de deux mois continuant donc à valoir refus pouvant lui-même être assorti d’une exception et être remplacé par un autre délai ;

– le deuxième fixant des exceptions supplémentaires sur le fondement du II de l’article 21 de la loi DCRA, le cas échéant également assorties d’une exception au délai de deux mois ;

– le troisième fixant les exceptions au seul délai de deux mois, pour prévoir que le silence vaudra acceptation à l’issue d’un délai différent.

Dans de nombreux cas, toutefois, les exceptions ne sont que des exceptions qui existaient déjà lorsque l’on se situait dans une matière où le silence pouvait déjà valoir acceptation tacite. Ainsi, si l’on prend l’exemple du permis de construire, le silence vaudra (par exception au cas où il sera possible d’avoir un permis tacite à l’issue d’un délai de deux mois) selon le cas acceptation ou rejet de la demande, à l’expiration d’un délai variant de trois mois à un an6. Mais certaines des exceptions en cause préexistaient.

3. Acquisition et publicité de la décision implicite d’acceptation

Dans le cas où le silence gardé peut donc valoir acceptation implicite ou tacite, la loi du 12 novembre 2013 a apporté deux précisions.

D’une part, en modifiant l’article 20 de la loi DCRA pour prévoir le cas où la demande adressée à l’administration est incomplète ; cet article prévoit désormais que :

« Lorsqu’une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière la transmet à l’autorité administrative compétente et en avise l’intéressé.
Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l’autorité initialement saisie.
Le délai au terme duquel est susceptible d’intervenir une décision implicite d’acceptation ne court qu’à compter de la date de réception de la demande par l’autorité compétente. Si cette autorité informe l’auteur de la demande qu’il n’a pas fourni l’ensemble des informations ou pièces exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur, le délai ne court qu’à compter de la réception de ces informations ou pièces.
Dans tous les cas, l’accusé de réception est délivré par l’autorité compétente ».

D’autre part, en réécrivant l’article 22 de la même loi pour prévoir les modalités de publicité de la décision tacitement acquise :

« Dans le cas où la décision demandée peut être acquise implicitement et doit faire l’objet d’une mesure de publicité à l’égard des tiers lorsqu’elle est expresse, la demande est publiée par les soins de l’administration, le cas échéant par voie électronique, avec l’indication de la date à laquelle elle sera réputée acceptée si aucune décision expresse n’est intervenue.
La décision implicite d’acceptation fait l’objet, à la demande de l’intéressé, d’une attestation délivrée par l’autorité administrative.
Les conditions d’application du présent article sont précisées par décret en Conseil d’État ».
Notes :

1. Article R. 421-2 du Code de justice administrative.
2. La première fois par l’article 7 du décret du 2 novembre 1864 relatif à la procédure devant le Conseil d’État en matière contentieuse et, en dernier lieu, par la précédente rédaction de l’article 21 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (disposant alors que : « Sauf dans les cas où un régime de décision implicite d’acceptation est institué dans les conditions prévues à l’article 22, le silence gardé pendant plus de deux mois par l’autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet. / Lorsque la complexité ou l’urgence de la procédure le justifie, des décrets en Conseil d’État prévoient un délai différent ») et par l’article R. 421-2 du Code de justice administrative disposant que : « Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, le silence gardé pendant plus de deux mois sur une réclamation par l’autorité compétente vaut décision de rejet. / Les intéressés disposent, pour se pourvoir contre cette décision implicite, d’un délai de deux mois à compter du jour de l’expiration de la période mentionnée au premier alinéa. Néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet intervient dans ce délai de deux mois, elle fait à nouveau courir le délai du pourvoi […] ».
3. Qui y a d’abord vu une simple règle nécessitant un texte et à laquelle le pouvoir réglementaire pouvait déroger (CE Ass. 27 février 1970 Commune de Bozas, req. n° 76380 : Rec. CE p. 139) puis, finalement, un « principe général du droit » (CE 14 février 2001, ministre de l’Emploi et de la Solidarité, req. n° 202830 : Rec. CE p. 93-955).
4. Articles L. 2122-27 à L. 2122-34 du Code général des collectivités territoriales.
5. Conseil d’État, L’application du nouveau principe « silence de l’administration vaut acceptation », La documentation française, juin 2014.
6. Décrets n° 2014-1271, 2014-1273, 2014-1299, et 2014-1300.

 

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par  AdDen Avocats


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