Une crèche dans une mairie ? Possible sous conditions, selon le rapporteur public du Conseil d’État

Publié le 24 octobre 2016 à 10h35 - par

Face aux « crispations » sur la laïcité, privilégier « l’apaisement » : le rapporteur public du Conseil d’État a estimé vendredi 21 octobre que des crèches pouvaient être installées, sous certaines conditions, dans des bâtiments publics.

Une crèche dans une mairie ? Possible sous conditions, selon le rapporteur public du Conseil d’État

« Une crèche de Noël est-elle un signe ou emblème religieux dont l’installation dans un bâtiment ou emplacement public est systématiquement interdite par les dispositions de la loi du 9 décembre 1905 garantissant le respect du principe de laïcité ? »

Telle est la question que l’« Assemblée du contentieux », de la plus haute juridiction administrative française devra trancher dans les semaines qui viennent.

À deux mois de Noël, il y a urgence à statuer alors que la jurisprudence sur le sujet est contradictoire.

En octobre 2015, deux Cours administratives d’appel avaient ainsi rendu des arrêts diamétralement opposés. Celle de Paris avait donné raison à une association de libres penseurs qui contestaient l’installation d’une crèche dans la mairie de Melun (Seine-et-Marne). Mais celle de Nantes avait conclu que la crèche du conseil général de Vendée s’inscrivait dans une « tradition relative à la préparation de la fête familiale de Noël ».

Pour le rapporteur public, Aurélie Bretonneau, « l’article 28 de la loi de 1905 et, surtout, le principe de neutralité dont la portée est plus grande (…) n’interdisent pas par principe l’installation d’une crèche sur le domaine public », à moins qu’il ne s’agisse d’un « geste de reconnaissance d’un culte ».

Aux deux Cours de réexaminer ces affaires à la lumière de l’analyse juridique proposée.

Une position qui a « laissé sans voix » les Radicaux de gauche. « Si le Conseil d’État suivait les recommandations » de la rapporteuse publique, « il prendrait le risque, comme en 1989 au sujet du voile à l’école, de rajouter de l’incertitude là où les élus attendent une clarification », a mis en garde le PRG dans un communiqué.

Apaiser les controverses

À l’instar du burkini, autorisé sur les plages tant que l’ordre public n’est pas troublé, cette autorisation de principe doit être assortie de conditions strictes, estime Mme Bretonneau : que l’installation soit temporaire, « dans le temps festif lié à la célébration de Noël » ; qu’elle ne soit accompagnée d’aucune « initiative teintée de prosélytisme religieux » ; et qu’elle revête le « caractère d’une manifestation culturelle, ou à tout le moins festive ».

La rapporteuse a reconnu que l’affaire n’était pas simple à juger car cette « mise en image de Noël » est devenue, au fil du temps, un « objet mixte, porteur d’une pluralité de significations ».

En effet, si la crèche a longtemps revêtu un caractère religieux, elle a été « emportée » par le mouvement de sécularisation en marche depuis la Révolution française.

À compter du XIXe siècle, elle « essaime » dans les foyers non catholiques pour devenir, comme les décorations de Noël, un « accessoire festif de célébration ».

Au point qu’aujourd’hui, comme le relève Mme Bretonneau, les santons connaissent des chiffres de vente bien supérieurs au nombre des chrétiens pratiquants…

Pour autant, « contrairement au sapin de Noël », la crèche « porte encore en 2016 la trace perceptible de sa dimension religieuse ».

Pour le PRG, c’est justement ces « confusions qui sont entretenues entre le culturel et le cultuel pour contourner la loi de 1905 » que les juges doivent combattre.

La rapporteuse estime, elle, qu’en dépit du contexte actuel, où le fait religieux suscite de fortes « crispations », le Conseil d’État doit continuer à privilégier une « lecture ouverte » de la loi de séparation des Églises et de l’État.

« Nous ne croyons pas que ce contexte vous impose d’instruire par principe le procès de la crèche au risque, à vouloir trop traquer le religieux derrière la tradition festive ou le folklore, d’attiser des soupçons et des controverses qu’il vous appartient plutôt d’apaiser », a conclu Aurélie Bretonneau.

Avant d’ajouter que la justice devra en revanche « censurer » sans état d’âme d’éventuelles « instrumentalisations ».
 

Par Eve Szefztel

 
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