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Communes nouvelles et compétences des communes déléguées

Publié le 10 mai 2016 à 11h30 - par

La commune constitue l’échelon de base de l’organisation territoriale française et fait partie intégrante de l’identité du citoyen qui y reste très attaché. Toutefois, l’émiettement communal et la concentration de la population sur une part limitée du territoire peuvent rendre cet échelon local inadapté à la mise en œuvre des politiques publiques1.

Communes nouvelles et compétences des communes déléguées

Donatien de Bailliencourt avocat collaborateur Granrut

Donatien de Bailliencourt

La loi n° 71-588 du 16 juillet 1971, dite « Marcellin », sur les fusions et regroupements de communes a cherché à remédier à cette faiblesse de l’organisation territoriale en créant le statut de « commune associée ». Mais ce dispositif n’a pas rencontré le succès escompté, puisque moins de 800 fusions de communes sont intervenues alors que le législateur en attendait près de 10 000.

Pour relancer ce mouvement de rapprochement des communes, la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales a substitué au dispositif de la loi « Marcellin » un autre régime permettant la création de « communes nouvelles » en lieu et place de plusieurs anciennes communes.

Le bilan modeste de cette loi2 a conduit le législateur à intervenir de nouveau en 2015, non pour modifier les conditions de création d’une commune nouvelle, mais pour en faciliter la constitution.

Tel a été l’objet de la loi n° 2015-292 du 16 mars 2015 relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, qui a notamment mis en place des incitations financières temporaires pour favoriser la création de communes nouvelles avant le 1er janvier 2016.

La création d’une commune nouvelle a des implications pratiques fortes, ne serait-ce qu’en raison de l’institution de plein droit, au sein de celle-ci, des « communes déléguées » qui reprennent le nom et les limites territoriales de l’ensemble des anciennes communes dont la commune nouvelle est issue3.

Deux points particuliers relatifs aux communes nouvelles et aux communes déléguées méritent que l’on s’y attarde.

Il s’agit, d’une part, de la répartition des compétences entre la commune nouvelle et les communes déléguées en matière d’état civil et, d’autre part, de la question du traitement de l’immatriculation des communes nouvelles auprès de l’Insee.

La répartition des compétences en matière d’état civil entre la commune nouvelle et les communes déléguées

Si, en vertu de l’article L. 2113-10 du Code général des collectivités territoriales, la commune nouvelle a seule la qualité de collectivité territoriale et dispose donc de la personnalité juridique, les communes déléguées permettent de conserver un niveau de proximité avec leurs habitants, puisque leur création au sein de la commune nouvelle entraîne de plein droit pour chacune d’entre elles :

  • l’institution d’un maire délégué4, lequel remplit dans la commune déléguée les fonctions d’officier d’état civil et d’officier de police judiciaire5 ;
  • et la création d’une annexe de la mairie dans laquelle sont établis les actes de l’état civil concernant les habitants de la commune déléguée6.

De fait, les mariages peuvent être célébrés par le maire de la commune nouvelle et ses adjoints, ainsi que le maire délégué, dans les mairies annexes des communes déléguées.

La gestion de l’état civil échappe donc en principe à la commune nouvelle, sauf si aucune commune déléguée n’a été instituée ; auquel cas, la commune nouvelle gère l’état civil des habitants de l’ensemble du territoire communal.

Concrètement, il existe un registre d’état civil par commune déléguée et chaque mairie annexe établit ses actes d’état civil dans un registre propre et les numérote.

Le registre de l’état civil et l’acte font apparaître le nom de la commune déléguée et le nom de la commune nouvelle7.

À cet égard, l’on peut considérer que le modèle retenu par le législateur est proche de celui des arrondissements de Paris, Marseille et Lyon.

Les modalités d’immatriculation des communes nouvelles auprès de l’Insee

Chaque commune dispose d’un code officiel géographique qui est défini par l’Insee et qui s’insère dans un moteur de recherche Insee rassemblant les codes et libellés des communes, des cantons, des arrondissements, des départements, des régions, des pays et territoires étrangers.

La création de communes nouvelles a donc une incidence sur la numérotation de l’Insee, puisque ce dernier attribue automatiquement à la commune nouvelle le code officiel géographique de la commune sur le territoire de laquelle est situé le siège de la nouvelle collectivité territoriale.

Les codes officiels géographiques des autres communes sont conservés, mais ne sont plus actifs.

Cette situation n’est pas sans susciter certaines difficultés.

En effet, dans la mesure où les communes déléguées gèrent l’état civil des habitants de la commune déléguée, elles sont donc seules en lien avec l’Insee et, dans leurs échanges, elles utilisent le code officiel géographique de la commune nouvelle et non plus leur propre code Insee désormais désactivé.

Le risque est donc de trouver, au sein d’une même commune nouvelle, plusieurs actes portant le même numéro Insee mais issus de communes déléguées différentes.

Pour éviter toute confusion entre les actes portant un même numéro Insee, celui-ci recommande aux communes déléguées de remplir les bulletins d’état civil qu’elles lui transmettent, en indiquant le code de la commune nouvelle dans le cadre « code commune », le nom de la commune nouvelle dans « libellé de la commune » et le nom de la commune déléguée dans le cadre « section ».

Cette recommandation de l’Insee doit ainsi permettre d’assurer un suivi fiable dans la séquence des numéros d’actes émanant de plusieurs communes déléguées.

 

Donatien de Bailliencourt, Avocat Counsel, cabinet Granrut

 


Notes :

1. Les trois quart des communes françaises regroupent moins de 1 000 habitants (v. Rapport n° 2310 de Madame Christine Pires Beaune sur les propositions de loi n° 2241 et 2244 relatives à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes).

2. Seules 13 communes nouvelles regroupant 35 communes ont été créées sur les quatre premières années d’application de la loi RCT du 16 décembre 2010 (v. Rapport n° 2310 de Madame Christine Pires Beaune, précité).

3. L’article L. 2113-10 du Code général des collectivités territoriales précise toutefois que la constitution de plein droit des communes déléguées ne joue pas lorsque les délibérations concordantes des conseils municipaux portant sur la création de la commune nouvelle excluent une telle mise en place.

4. 1° de Article L. 2113-11 du CGCT.

5. Article L. 2113-13 du CGCT. Le maire délégué peut en outre être chargé, dans la commune déléguée, de l’exécution des lois et règlements de police et recevoir du maire de la commune nouvelle des délégations.

6. 2° de l’article L. 2113-11 du CGCT.

7. Documentation AMF, « Les communes nouvelles et l’état civil », février 2016.


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