Handicap à l’école : les mesures du gouvernement confrontées au terrain

Publié le 5 novembre 2019 à 10h00 - par

Aujourd’hui, 87 % des élèves handicapés « sont à temps plein à l’école » : le gouvernement a mis en avant lundi 4 novembre 2019 les effets de son plan pour une école dite « inclusive » mais sur le terrain, le bilan se révèle plus nuancé.

Handicap à l'école : les mesures du gouvernement confrontées au terrain

Accueillir « pleinement » les enfants handicapés était une priorité de la rentrée très attendue par les parents, qui s’est traduite par une série de mesures. Parmi elles, le changement de statut des accompagnants de ces élèves (AESH), qui sont passés de contrats aidés à des CDD de trois ans transformables en CDI.

Cette année, 4 500 en équivalent temps plein ont été recrutés en plus, portant le total d’accompagnants à 90 000.

Il y a également eu la création de pôles (PIAL) pour coordonner les besoins des élèves avec la mutualisation systématique des aides.

Lundi après-midi, « un comité de suivi de l’école inclusive » réunissait au ministère de l’Éducation Jean-Michel Blanquer, la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel, et plusieurs associations.

« Nous avons des élèves handicapés davantage accueillis et mieux accueillis », s’est félicité le ministre de l’Éducation, même si « des progrès restent à faire ».

Selon les ministres, 87 % des élèves handicapés sont aujourd’hui « à temps plein à l’école ». Par rapport à l’an dernier, le nombre d’élèves en attente d’accompagnement a été divisé par deux (de 8 % à 4 %), alors que le nombre d’enfants accueillis dans l’école a fortement augmenté (+ 23 500 élèves), ont-ils souligné.

Sophie Cluzel a aussi insisté sur la nécessité de « simplifier la vie des familles ».

Qu’en est-il réellement sur le terrain ? « Globalement le bilan de la rentrée n’est pas satisfaisant », estime Marion Aubry, vice-présidente de l’association TouPI, qui défend les droits des handicapés. « De nombreux enfants ont besoin d’un accompagnement individuel à temps plein et ne bénéficient que d’une aide à temps partiel », explique-t-elle.

« Comme on manque d’accompagnants, c’est le parent qui râle le plus fort qui a le plus de chance d’être entendu », déplore-t-elle aussi.

« Un fossé énorme »

Un constat confirmé par Caroline, maman de Louise, une petite fille trisomique scolarisée en maternelle en Loire-Atlantique, qui bénéficie depuis la rentrée d’un accompagnement de 15 heures par semaine.

« Avant les vacances de la Toussaint, un inspecteur m’a demandé si on pouvait garder Louise à la maison pendant les heures où elle n’a pas d’accompagnement », raconte Caroline, qui se dit « minée » par cette demande « illégale ».

Après la narration de l’épisode, sur les réseaux sociaux notamment, l’Éducation nationale a fait marche arrière. Mais Caroline l’a vécu comme un « rejet » de sa fille par l’institution. « Je connais plein de familles à qui on a proposé ce genre d’arrangements », affirme-t-elle, ce qui « donne le sentiment d’un fossé énorme entre les discours et la réalité ». Pour elle, il faut mettre davantage de moyens pour l’accompagnement humain.

Malgré les mesures visant à améliorer l’attractivité du métier, les ministres admettent que le recrutement de ces personnels reste difficile, notamment en Île-de-France.

« Les accompagnants d’élèves handicapés sont très souvent des femmes seules, il est urgent de les sortir de la précarité », a souligné lundi le député communiste Sébastien Jumel, rapporteur d’un récent rapport sur l’inclusion des élèves handicapés.

Un mois et demi après la rentrée, nombre d’entre eux n’avaient toujours pas été payés. « Les nouveaux contrats ont été mis en place dans une grande précipitation et tous n’ont pas pu être modifiés en temps et en heure », explique à l’AFP Sophia Catella, du syndicat Snuipp-FSU.

Son autre crainte concerne les PIAL, implantés pour le moment dans 40 % des écoles, collèges et lycées. « On se dirige vers davantage de mutualisation, ce qui signifie que les AESH vont devoir se partager davantage d’enfants et que tous n’auront pas le nombre d’heures d’accompagnement nécessaires », redoute Mme Catella.

« Mais quand on a des remontées de terrain, c’est toujours lorsqu’il y a des dysfonctionnements, pas quand ça se passe bien », tempère-t-elle.

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