« La sécurité fait partie intégrante du quotidien des services de l’éducation »

Publié le 14 octobre 2011 à 0h00 - par

Entretien avec Nicolas AURY, DGA des Services de la ville de Stains en charge de l’Action Éducative, Culturelle et Sportive et des Systèmes d’Information, et contributeur à l’ouvrage L’action éducative en pratique.

Weka : Quelle place prend aujourd’hui la sécurité dans les préoccupations des services de l’éducation ? Est-elle de plus en plus importante ?

Nicolas Aury : La sécurité fait partie intégrante du quotidien des services de l’éducation par leur mission d’accueil des enfants et d’encadrement des activités et/ou des locaux qui leur sont destinés. C’est même une des clés de la relation de confiance entre les parents et les éducateurs. Cette sécurité se décline en matière de prévention des accidents domestiques, de sécurité alimentaire, de veille relative a la maltraitance.

La sécurité est donc une approche globale qui ne se réduit pas a la question de la prévention et du traitement des comportements violents d’enfants. Pour autant, les services de l’éducation et plus largement l’ensemble des acteurs éducatifs sont interpellés par ces problématiques qui relèvent a la fois d’une version moderne de « la guerre des boutons », et d’évolutions societales encore mal appréhendées, et suscitant les plus vives controverses. En fait, je ne saurais dire si la sécurité prend véritablement une part croissante dans la réflexion des services de l’éducation…en revanche, elle prend une part croissante dans les budgets, entre mises aux normes, bureaux d’études et de contrôle, et autres créations de postes ou missions spécifiques.

Weka : Comment s’articulent les responsabilités entre services des collectivités et services de l’Etat ?

Nicolas Aury : De manière assez claire. L’Etat, via l’Education Nationale est garante de la sécurité des enfants dans le cadre scolaire, sur le temps et dans l’enceinte scolaire, en matière d’accueil, d’encadrement des enfants, et de gestion des flux , ainsi que du contrôle de l’assiduité scolaire. Dans le cadre scolaire, la collectivité, pour sa part, est responsable de l’état du patrimoine, de la bonne marche des systèmes de sécurité incendie, ou encore du bon état des jeux de cour, des cours, et des terrains et équipements sportifs.

Concernant l’action periscolaire, et notamment la cantine, la responsabilité de la commune est entière, puisque c’est elle qui organise les activités dans le cadre de la mise a disposition réglementaire des locaux scolaires. La présence d’enseignants encadrant la pause meridienne ne saurait être source de confusion, dans la mesure ou ils interviennent pour le compte de la collectivité territoriale dans ce contexte. Une attention particulière devra pour autant être accordée a ce qui s’avère être le créneau le plus a risque dans le champ scolaire, celui de la gestion des sorties d’ecole, qu’il s’agisse du contrôle des entrées et sorties dans l’enceinte des établissements, ou de la sécurité routière a proximité.

Weka : Que peut-on imputer aux services municipaux en cas de souci ?

Nicolas Aury : De manière generale, la principale responsabilité juridique est celle du Maire en tant que représentant de la commune. Il convient par ailleurs de noter les cas spécifiques des Accueils de Loisirs Sans Hébergement ou des Séjours organisés par une collectivité, relevant de la réglementation « Jeunesse et Sports », placée désormais sous le contrôle des DDCS (Directions Départementales de la Cohésion Sociale). Ceux-ci font l’objet d’un encadrement réglementaire strict, précisant le ratio d’encadrant, leur obligation de qualification ou encore les modalités d’organisation, ainsi que la typologie des locaux. En plus de celle du Maire, la responsabilité de la direction de ces Accueils Collectifs de Mineurs peut être engagée en cas d’incident grave.

Weka : Si le risque zéro n’existe bien évidemment pas, comment réduire au maximum les dangers ?
 
Nicolas Aury : Les normes et procédures de contrôle réglementaires ont été multipliées par l’Etat, a tous les échelons de l’intervention des collectivités, particulièrement en direction des enfants, nourrissant cette tendance a la judiciarisation de l’action publique. Si toute démarche de « réduction des risques » doit prendre en compte ce contexte, elle peut utilement s’appuyer sur le tryptique : qualification/formation continue des acteurs, coordination des intervenants et activités, et déploiement de procédures structurantes de contrôle et d’autocontrole…sans oublier une maintenance et un entretien régulier du patrimoine bien evidemment !
 
Toute la difficulté dans cette tendance au renforcement des normes de sécurité réside dans le fait qu’a force de vouloir tendre vers le risque zéro, de véritables « chappes » réglementaires se sont parfois formées n’incitant pas a la prise d’initiatives. D’autant que dans le contexte de mise en oeuvre de la RGPP, et de réduction du nombre de fonctionnaires, les services de l’Etat en charge de la réglementation se concentrent sur les fonctions de contrôle, au détriment du conseil et de l’accompagnement des équipes de terrain. Pis, ces évolutions peuvent être a mon sens porteuses de contradiction, notamment dans le domaine sensible de la sécurité alimentaire.

J’ai suivi la démarche de ma collectivité pour obtenir l’agrément européen de la cuisine centrale… trois visites de contrôle. Deux avis défavorables sans précision sur les modalités de continuité du service… avant de l’octroyer… le tout assorti de plusieurs mois d’angoisses et d’inquiétudes pour les collègues de cet équipement remis a neuf l’année dernière, qui n’a connu aucune intoxication en 18 ans d’existence, pour 4700 repas servis chaque jour dans les écoles. A aucun moment, n’a été pris en compte le travail de qualité gustative, l’introduction du bio, la recherche de circuits courts. Ce type de réglementation est donc loin de n’avoir que des incidences techniques, en rendant compliquée la tache de ceux qui veulent proposer de la véritable restauration scolaire, et pas seulement faire de la réchauffe de plats préparés. Or, chacun peut mesurer les risques que le complexe industriel agro-alimentaire en lien avec une agriculture intensive, a fait peser, et fait peser sur la sécurité alimentaire.

S’il n’y avait qu’un message a retenir, ce serait celui de ne jamais dissocier finalités éducatives, sociales, voire environnementales des actions, et moyens mis en oeuvre pour sécurisés celles-ci. Je crois a cet égard que l’implication de l’ensemble des acteurs, et la promotion de l’échange et des modes de concertation avec les parents, constituent les meilleurs « garde fous » pour réduire les risques dans les activités éducatives.
 
Weka : Une fois en situation critique, comment gérer la situation, notamment l’aspect psychologique/communication avec les élèves et familles ?

Nicolas Aury : En l’occurrence, dans le cas d’un accident grave, voire du décès d’un enfant, comme cela est arrive récemment dans une cantine scolaire, il convient de monter une cellule de crise dans la journée. A l’époque des réseaux sociaux et de la médiatisation en temps quasi réel, la réactivité est garante de limitation des paniques et autres rumeurs. A déterminer en fonction de la taille de la collectivité, et de la gravite de la situation, cette cellule, souvent placée sous l’autorité directe du maire, a pour vocation de réguler les informations et les relations stratégiques internes et externes : communication avec les familles, relation avec l’Education Nationale, la Police, la Préfecture, et également les médias en lien étroit avec le cabinet du Maire et la direction de la communication.

Par ailleurs, la question des traumatismes est désormais prise en charge par les services d’urgence, voire l’Education Nationale. Dans le cas contraire, il convient de définir en lien étroit avec les institutions concernées les modalités d’écoute des enfants et de leurs familles. Je crois aussi a la force des rencontres avec les familles, car plus que les écrits, et bien évidemment les traitements médiatiques, elles permettent l’échange et la précision, a conditions qu’elles soient placées sous le signe de la prudence, de l’humilité et de la franchise, et a condition aussi d’accepter le risque de la colère et de l’accusation aussi injustes soient elles a l’encontre de la collectivité.

La réussite de ce type d’initiatives réside dans la préparation la plus précise de cette réunion avec le Maire, et le cas échéant dans la sollicitation de représentants d’autres institutions concernées (Préfecture, Éducation Nationale, Police…) pour participer a l’échange. Enfin, il convient de ne pas sous-estimer le traumatisme engendre par ce type de situations chez les personnels concernés. Je plaide d’ailleurs pour le développement de psychologues du travail, pour intervenir en soutien et en régulation auprès des équipes. Et toujours et encore pour former et préparer les acteurs a gérer ce « risque ».

Consultez dès aujourd’hui l’ouvrage L’action éducative en pratique


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