Philippe Laurent : « Ce qui manque, c’est une vraie reconnaissance du rôle social des cadres locaux »

Publié le 7 mai 2010 à 0h00 - par

Au cours de sa réunion du 4 février dernier, le Conseil supérieur de la fonction publique territoriale (CSFPT) a rendu un rapport intitulé « Quels cadres dirigeants pour relever les défis de la République décentralisée ? ». Son rapporteur, Philippe Laurent, maire de Sceaux, en livre un résumé-vérité.

Philippe Laurent : « Ce qui manque, c'est une vraie reconnaissance du rôle social des cadres locaux »

Globalement quels sont les enseignements de l’étude du CSFPT qui a donné lieu au rapport ? Peut-on parler de malaise pour les cadres territoriaux ? Si oui, quelles en seraient les causes ?

Oui, le terme de « malaise » nous semble approprié pour décrire la situation actuelle, même s’il ne faut pas dramatiser la situation pour le moment. Quant aux causes, elles me paraissent comparables aux difficultés éprouvées par nombre d’élus locaux. La virulence des critiques qui s’abattent de la part notamment de l’État, abondamment relayées par une partie de la presse parisienne, sur la gestion publique locale, et les perspectives très floues de « réforme pour la réforme » n’ont fait qu’accentuer ce malaise.

Ce qui manque aujourd’hui, pour les cadres comme pour les élus locaux, c’est une vraie reconnaissance de leur rôle dans la société actuelle, des compétences avec lesquelles ils l’exercent, de leur capacité à incarner aux côtés de l’État l’intérêt général. Plus spécifiquement pour les cadres, la perspective raisonnable de mener une carrière complète au sein de la fonction publique territoriale (FPT), avec un aboutissement digne des responsabilités exercées. De ce point de vue, d’ailleurs, l’attitude de certains élus, qui privilégient systématiquement le recrutement de fonctionnaires d’État aux postes de direction, est en lui-même une cause assez profonde et traumatisante de malaise au sein de la FPT…

Que propose le rapport pour améliorer la gestion des carrières de ces dirigeants ?

Les solutions sont multiples. Elles relèvent d’abord du champ statutaire. Prenons les ingénieurs, par exemple. Il faut pouvoir leur proposer un débouché au-delà de la fin de carrière actuelle. Autres pistes : améliorer la fin de détachement au sein d’un emploi fonctionnel, adapter la formation continue. Des propositions sont également formulées concernant une définition plus précise du rôle de la direction générale par rapport à l’exécutif élu de la collectivité.

Plus généralement, un travail d’échange, de connaissance et d’information encore plus large semble indispensable pour mieux cerner cette catégorie A +. À cet égard, l’existence d’un lieu national serait appropriée. Le rapport égrène ainsi 26 propositions, qui constituent autant de pistes de réflexion et qui demandent à être précisées au fur et à mesure dans des discussions avec l’ensemble des acteurs.

Le vivier des dirigeants territoriaux est-il suffisant, de qualité, motivé ? Quid de la nouvelle génération ?

Il faut d’abord souligner que la pyramide des âges est particulièrement défavorable. Un nombre important de départs en retraite va survenir dans les années qui viennent. Or, la génération sortante est marquée parce que nous avons appelé la « biodiversité » des profils, dans la mesure où les voies d’accès ont été particulièrement ouvertes et diverses ces trente dernières années. Cette biodiversité est aujourd’hui menacée, ce qui met également en danger le fonctionnement de l’ascenseur social qu’a connu la génération sortante de cadres territoriaux.

C’est une vraie préoccupation, dans la mesure où nous sommes convaincus que l’avenir et l’approfondissement de la décentralisation se jouent aussi dans la question de la qualité et de l’engagement de l’encadrement supérieur des administrations territoriales, et qu’il est essentiel qu’une partie significative de cet encadrement soit issue de la culture territoriale. Il est donc impératif de rendre la carrière de cadre territorial particulièrement attractive, notamment dans les domaines du management (pour déboucher sur la direction générale) et de l’expertise technique.

 

Entretien réalisé par Éric Delon