Domaine public n’est pas ouvrage public

Publié le 2 mai 2015 à 22h57 - par

Le régime juridique de la domanialité publique ne se confond pas avec celui des ouvrages publics.

conseil d'État

Le droit est une école de la rigueur

Les catégories juridiques intéressent les théoriciens du droit qui construisent « des systèmes ». Mais leur intérêt réel ne réside dans la théorie juridique, toute séduisante qu’elle soit, ou les analyses des enseignants. L’intérêt premier des notions juridiques est de déterminer un régime juridique commun à une catégorie déterminée. C’est la raison pour laquelle la matière nécessite une certaine rigueur. Rattacher un objet juridique à un ensemble permet d’en déterminer le régime, et donc les propriétés. C’est aussi la raison pour laquelle certaines théories n’ont guère d’intérêt dans la mesure où elles ne se rattachent pas à un corps unifié de règles.

Ainsi, savoir si un ouvrage a la nature d’un ouvrage public, ou non, sera déterminant pour déterminer le régime juridique de la réparation des dommages résultant de cet ouvrage. On sait, notamment, que les « dommages de travaux publics » donnent lieu à réparation, sans que la victime ait à établir la faute du responsable. L’appartenance au domaine public, en revanche, a pour conséquence de voir l’ouvrage soumis au régime de la domanialité, et notamment à son caractère inaliénable. Les deux notions ne se recoupent donc pas.

L’arrêt du Conseil du 27 mars 2015, n° 361673, Société Titaua Limited Compagny rappelle qu’un ouvrage construit sur le domaine public n’est pas forcément un ouvrage public

En l’espèce, un incendie s’était déclaré dans un hangar construit sur le domaine public portuaire, endommageant un navire. Le propriétaire du bateau demandait l’indemnisation du préjudice subi.

Pour rejeter la demande qui lui était adressée, la Cour administrative d’appel avait jugé, contrairement au tribunal que l’ouvrage n’était pas public. Le Conseil d’État confirme l’analyse de la cour. L’élément déterminant est celui d’ « affectation à l’utilité publique ». Le hangar était certes construit sur le domaine public, mais il était loué à une entreprise qui exerçait une activité de « construction, la réparation et la vente de bateaux de plaisance », qui a la nature d’une activité privée. Ajoutons que le contrat liant la société à l’administration avait la nature d’une convention d’occupation du domaine public.

Selon le Conseil d’État : « dans le cas où un ouvrage implanté sur le domaine public fait l’objet d’une convention d’occupation de ce domaine dont les stipulations prévoient expressément son affectation à une personne privée afin qu’elle y exerce une activité qui n’a pas le caractère d’un service public, le bien en cause ne peut plus être qualifié d’ouvrage [public] tant qu’il n’est pas de nouveau affecté à une activité publique, alors même que, n’ayant fait l’objet d’aucune procédure de déclassement, il n’a pas cessé de relever du domaine public ».

Cela n’a pas d’incidence sur la définition de l’ouvrage public qui demeure « un bien immeuble résultant d’un aménagement et qui est directement affecté à un service public ».

Au total donc, un ouvrage appartenant au domaine public n’est pas toujours un ouvrage public.

Laurent Marcovici


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