La candidature d’une personne publique à un marché public est-elle subordonnée à une carence de l’initiative privée ou à l’existence d’un intérêt public ?

Publié le 5 février 2010 à 0h00 - par

Lorsqu’elle présente sa candidature à l’attribution d’un marché public, la personne publique n’est pas tenue de s’assurer qu’il existe une carence de l’initiative privée ou un intérêt public. Analyse et commentaire d’une décision du Conseil d’État du 10 juillet 2009 par Olivier Caron et Alexandre Labetoule, avocats.

La candidature d’une personne publique à un marché public est-elle subordonnée à une carence de l’initiative privée ou à l’existence d’un intérêt public ?

Faits

L’État avait lancé une procédure d’appel d’offres ouvert pour l’attribution d’un marché divisé en sept lots, ayant pour objet les prélèvements et les analyses du contrôle sanitaire des eaux pour les directions départementales des affaires sanitaires et sociales du Nord et du Pas-de-Calais, qui sont des services de l’État. L’Institut Pasteur de Lille s’est vu attribuer les lots n° 1, 2, 5 et 7 de ce marché. En revanche, son offre a été rejetée pour les lots n° 3, 4 et 6 au profit de celle présentée par le Laboratoire d’analyse et de recherche du département de l’Aisne. Le juge des référés précontractuels du tribunal administratif de Lille, saisi par cet institut, a annulé la procédure de passation des lots n° 3, 4 et 6 au motif que le département de l’Aisne ne justifiait pas d’un intérêt public local à réaliser des prestations d’analyse des eaux sur le territoire des départements du Nord et du Pas-de-Calais. Le département de l’Aisne et le ministre de la Santé et des Sports ont formé un pourvoi en cassation contre cette ordonnance.

Décision

Lorsqu’elle présente sa candidature à l’attribution d’un marché public, la personne publique n’est pas tenue de s’assurer qu’il existe une carence de l’initiative privée ou un intérêt public. Le respect de ces règles relatives à l’intervention économique des collectivités publiques ne s’impose en effet que lorsque la personne publique entend prendre en charge une activité économique, ce qui n’est pas le cas dans l’hypothèse où elle intervient sur un marché concurrentiel, à l’instar d’une entreprise privée, dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence.

Le conseil de l’avocat

Le Conseil d’État confirme ainsi la possibilité pour les personnes publiques de participer aux procédures de mise en concurrence pour l’attribution de marchés publics ou de délégations de service public (CE, avis, 8 novembre 2000, Société Jean-Louis Bernard consultants, Rec. CE, p. 492). Il a rappelé néanmoins que cette participation devait intervenir « dans le respect des règles de la concurrence », ce qui signifie que la candidature d’une personne publique ne doit pas la conduire à profiter d’un éventuel avantage concurrentiel que pourrait lui conférer son statut public. Cela implique notamment la tenue d’une comptabilité analytique ayant pour objet de séparer les activités concurrentielles de la personne publique candidate de ses autres missions subventionnées.

En l’espèce, le laboratoire départemental de l’Aisne avait reçu en 2007 une subvention de 280 000 euros. Le Conseil d’État a vérifié, d’une part que celle-ci avait bien compensé des missions particulières confiées au laboratoire départemental et, d’autre part, qu’il n’avait pas usé de ces fonds pour abaisser ses prix et fausser la concurrence dans le cadre de la procédure litigieuse.

En cas de candidature d’une personne publique, il appartient donc à l’acheteur d’opérer un contrôle du même ordre que celui exercé par le Conseil d’État dans cette affaire. Il doit s’assurer, au travers de la comptabilité analytique fournie par l’opérateur économique public, que celui-ci ne bénéficie pas d’avantages concurrentiels, tels que des subventions d’équilibre utilisées à mauvais escient.

Référence

CE, 10 juillet 2009, Département de l’Aisne, req. n° 324156, mentionné aux tables du Recueil Lebon.

Extrait

« … la simple candidature d’une personne publique, dans le respect des règles de la concurrence, à l’attribution d’un marché public, n’est pas subordonnée à une carence de l’initiative privée, ni à l’existence d’un intérêt public. »


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