La jurisprudence est-elle toujours intelligible ?

Publié le 6 avril 2012 à 0h00 - par

Un avis du Conseil d’État amène à s’interroger sur l’application, par le Conseil d’État, du principe à valeur constitutionnelle d’intelligibilité du droit.

Une affaire toute simple, qui pose la question de la motivation de la décision du tribunal se prononçant sur la récusation des experts.

Selon l’article R. 621-6-4 du Code de justice administrative, lorsque le tribunal est confronté à une demande de récusation d’un expert, il statue « par une décision non motivée ». La Cour administrative d’appel de Marseille, a eu a juger une telle décision. Avant de statuer, elle s’est interrogée sur la compatibilité de ce texte réglementaire avec l’article L. 9 du Code de justice administrative qui rappelle le principe de la motivation obligatoire des décisions juridictionnelles.
 

Un avis si nuancé qu’il en devient difficilement compréhensible.

Par un avis du 23 mars 2012, Centre hospitalier d’Alès-Cévennes, n° 355151, le Conseil d’État vient de juger tout d’abord qu’une telle décision du tribunal est bien de nature juridictionnelle. Dès lors, elle est soumise à l’article L. 9 et doit être motivée. Mais il précise aussi que l’article R. 621-6-4 précité n’a pas « entendu écarter l’application de la règle générale de motivation des décisions juridictionnelles », mais « seulement tenir compte des exigences d’une bonne administration de la justice » de manière à éviter « de porter atteinte à la vie privée de l’expert, ou de mettre en cause sa probité ou sa réputation professionnelle ». À ce stade, la rédaction de l’avis est déjà étonnante, puisqu’il indique que la lettre même du texte règlementaire est écartée.

La suite l’est davantage encore puisque l’avis poursuit en indiquant que le juge peut se limiter à « énoncer qu’il y a lieu, ou qu’il n’y a pas lieu, de faire droit à la demande » de récusation. Ainsi, le juge peut s’abstenir de motiver sa décision.

Pour résumer l’avis du Conseil d’État, le juge doit motiver, puisqu’il est soumis à cette exigence, mais il peut régulièrement ne pas le faire.

La logique (y compris juridique) y trouve-t-elle son compte ?

Laurent Marcovici


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