La politique d’allotissement à l’épreuve du juge administratif

Publié le 23 mai 2011 à 0h00 - par

Le récent déféré préfectoral contre le plus gros marché de la ville de Paris démontre une nouvelle fois que l’absence d’allotissement ou un allotissement défaillant est devenu un moyen courant de contestation de la légalité des marchés. Alors que la décennie des années 2000 a vu le développement du contentieux, en référé pré-contractuel, sur le contenu des avis de publicité, l’orientation des moyens s’ouvre aujourd’hui beaucoup plus sur la stratégie d’achat mise en œuvre par les pouvoirs adjudicateurs.

Un simple principe introduit dans le code des marchés publics 2006…

La rédaction actuelle de l’article 10 du CMP qui pose un principe – l’allotissement – et une exception – le marché global – doit être appréhendée dans le contexte politique et juridique de l’époque. Politiquement, le Premier ministre, Dominique de Villepin, souhaitait l’intégration dans le code des marchés publics d’un mécanisme réservant certains marchés aux PME. L’idée était de copier le système américain dit du « small business act » qui impose aux administrations américaines de réserver des lots aux PME.

Mais l’introduction d’un système de discrimination positive et de quota se heurtait à la réalité juridique du droit européen des marchés publics. Les directives n’autorisent pas (à l’exception des marchés réservés de l’article 15) la mise en place de mécanismes discriminants.

Pour concilier le respect des principes d’égalité d’accès et de traitement et la volonté d’aider les PME, la seule solution était d’inciter les pouvoirs adjudicateurs à allotir, pour indirectement faciliter l’accès des petites entreprises aux marchés, sans interdire aux plus grosses de répondre.

… qui s’annonce comme une arme redoutable pour contester la légalité des marchés publics

Le principe posé engendre une nouvelle réalité juridique. Si le marché permet l’identification de prestations distinctes, ou si les motifs techniques ou financiers justifiant le marché global ne sont pas suffisants, le juge sanctionne la passation du marché. Il peut s’agir, par exemple, de la nécessité d’allotir les prestations par zone géographique (CE, 23 juillet 2010, Région Réunion, req. n° 338367). La sanction peut également être fondée sur l’absence de justification de réduction du coût des prestations (CE, 11 août 2009, Communauté urbaine de Nantes Métropole, req.n° 319 949).

À l’inverse, le juge admet le marché global bien motivé par une économie budgétaire significative (CE, 9 décembre 2009, Département de l’Eure, req. n° 328803) ou pour des raisons techniques (CE, 20 mai 2009, Commune de Fort-de-France, req. n° 340 212).

L’appréciation s’effectue donc au cas par cas. Il faut espérer que la possibilité de favoriser les PME dans le cadre de la refonte de la directive européenne du 31 mars 2004 soit clarifiée. La rédaction de l’article 10 pourrait être revue dans le sens d’une plus grande sécurité juridique pour les acheteurs sur les conditions de dévolution des marchés.

Dominique Niay


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