Le fournisseur peut voir sa responsabilité engagée devant le juge administratif

Publié le 7 juin 2016 à 15h00 - par

Une solution qui n’était pas évidente.

Contentieux

Le fournisseur peut voir sa responsabilité engagée envers le maître d’ouvrage

L’article 1792-4 du code civil prévoit que « le fabricant d’un ouvrage, d’une partie d’ouvrage ou d’un élément d’équipement conçu et produit pour satisfaire, en état de service, à des exigences précises et déterminées à l’avance, est solidairement responsable des obligations mises par les articles 1792, 1792-2 et 1792-3 à la charge du locateur d’ouvrage qui a mis en œuvre, sans modification et conformément aux règles édictées par le fabricant, l’ouvrage, la partie d’ouvrage ou élément d’équipement considéré (…) ».

Ces dispositions sont d’application délicates. Et le fait que le Conseil d’État vienne à leur propos d’adopter deux solutions contradictoires, à six mois d’intervalle l’illustre parfaitement.

L’année dernière par un arrêt du 21 octobre 2015, n° 385779, Commune de Tracy-sur-Loire, le Conseil a opéré une distinction subtile. En principe, le juge administratif, en matière de garantie décennale, ne peut condamner une entreprise qu’à la condition qu’elle ait la qualité de participante à l’opération de travaux publics. Or, les entreprises attraites sur le fondement des dispositions de l’article 1792-4 du code civil se distinguent difficilement des fournisseurs qui se bornent à livrer du matériel indifférencié, par exemple des tuiles.

En 2015, le Conseil d’État a jugé que si la société avait la qualité de simple fournisseur, elle ne pouvait avoir la qualité de participant, et que l’engagement de sa responsabilité ne pouvait donc être jugé par le juge administratif. Elle ne le pourrait que si elle avait la qualité de fabricante. C’est seulement à cette condition que le juge administratif retrouvait sa compétence. En quelque sorte, la solution de fond déterminait la compétence juridictionnelle : juge administratif si la responsabilité était encourue, juge judiciaire dans le cas inverse.

La décision  du 4 avril 2016, n°394196, Société Unibeton revient sur la décision de 2015

Le Conseil d’État vient en effet de juger qu’ « il appartient au juge administratif de statuer sur les conclusions du maître d’ouvrage tendant à l’engagement de la responsabilité solidaire du fabricant sur le fondement de l’article 1792-4 du code civil et de rejeter ces conclusions lorsque la personne mise en cause par le maître d’ouvrage n’a pas, en réalité, cette qualité ».

Ainsi, chaque fois que l’article 1792-4 du code civil sera invoqué devant le juge administratif, ce dernier sera compétent, que l’entreprise soit responsable à ce titre, ou qu’elle ne le soit pas. Il faut bien dire que la décision de 2016 simplifie les choses, en attribuant une compétence juridictionnelle au juge administratif quelle que que soit la solution de fond.

Toutefois, on ne peut que constater que le fondement de l’arrêt de 2016 se s’accorde qu’avec difficulté avec les règles générales relatives à l’engagement de la responsabilité décennale.

Laurent Marcovici


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