Le régime des prescriptions

Publié le 31 décembre 2013 à 0h00 - par

Il est encore trop tôt pour apprécier les conséquences de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, sur le droit administratif.

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Les dettes de l’administration se prescrivent par 4 ans

L’administration bénéficie d’un régime de prescription favorable. Toute créance détenue par une personne privée à l’égard d’une personne publique doit être réclamée dans le délai de 4 ans, ou, pour être plus précis, jusqu’au 31 décembre de la 4e année qui suit le fait générateur de ladite créance, faute de quoi, elle ne peut plus être recouvrée. Le seul écoulement du temps conduit donc le créancier à perdre le bénéfice de sa créance.

Des règles viennent atténuer la rigueur, et le caractère inéquitable, de cette règle législative. Toute demande du créancier, ou toute reconnaissance de l’administration de la réalité de sa dette interrompt le cours de la prescription. Par ailleurs, la décision d’opposer la prescription quadriennale ne peut être prise que par l’exécutif de la personne publique. L’avocat ne peut lui-même l’opposer au cours du procès. Par ailleurs, la prescription doit être opposée en première instance ; elle ne peut pas l’être pour la première fois en appel.

En revanche, l’administration bénéficie à l’égard de son débiteur d’un traitement plus favorable

On sait, depuis l’arrêt Blanco de 1872, que le droit administratif s’est construit sur la distinction entre le droit administratif et le droit civil. Toutefois, en matière de prescription des créances des personnes privées, le Conseil d’État applique les prescriptions issues du droit civil, comme par exemple l’article 2262 (CE, 31 juillet 1992, n° 69661,  Société Sucre-Union).

Pour les constructeurs, cela concerne des situations aussi diverses que la responsabilité lorsqu’aucune réception n’est intervenue, ou qu’elle l’a été avec réserves, la responsabilité du maître d’œuvre dans son devoir de conseil, ou encore la responsabilité en cas de nullité du contrat.

Le droit en vigueur a été modifié puisque la loi du 17 juin 2008 a supprimé l’article 2262 pour le remplacer par l’article 2224 qui modifie le délai pour le faire passer à 5 ans ou 10 ans selon différentes situations. La question se pose donc de savoir si le juge administratif appliquera ou non ces dispositions ; peut-être choisira-t-il, comme il le fait parfois, d’appliquer « les principes dont s’inspirent » ces nouvelles dispositions.

En l’absence, pour l’instant, d’une décision claire du Conseil d’État, on notera que la cour administrative d’appel de Marseille a décidé d’appliquer directement ces dispositions (CAA Marseille, 13 juin 2013, société Beterem ingénierie, 10MA01256). La cour juge ainsi expressément que « la demande présentée par la commune de B. sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle ayant été enregistrée au greffe du tribunal le 9 octobre 2008, postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi susvisée du 17 juin 2008, les nouvelles dispositions de cette loi s’appliquent ».

Reste à savoir si le Conseil d’État confirmera cette solution.

Laurent Marcovici


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