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La protection des noms des collectivités territoriales renforcée par la loi Hamon

Publié le 23 avril 2014 à 18h05 - par

Une marque a pour fonction essentielle de distinguer les produits et services exploités par son titulaire de ceux de ses concurrents. Le dépôt d’une marque est ainsi stratégique pour toute personne souhaitant développer son activité, et ce y compris pour les collectivités territoriales.

La protection des noms des collectivités territoriales renforcée par la loi Hamon
Delphine Brunet-Stoclet, associée du cabinet SBKG & associés, Avocat spécialiste en droit de la Propriété IntellectuelleDelphine Brunet-Stoclet Marie André-Nivet, Avocat Cabinet SBKG & associésMarie André-Nivet

 

Constituant une indication d’origine quant aux produits et/ou services qu’elle désigne, la marque représente un actif immatériel précieux qui peut-être hautement valorisé.

Ceci est valable pour les collectivités territoriales, dont les noms peuvent susciter d’ailleurs la convoitise des opérateurs économiques souhaitant bénéficier de la renommée de la localité à leur profit. À ce titre, il existe un abondant contentieux opposant des collectivités territoriales à des tiers ayant déposé à titre de marque le nom de ces dernières.

En effet pour contrer cette pratique pouvant porter atteinte à leur nom, elles devaient avoir déposé leur dénomination à titre de marque et ce pour désigner le plus grand nombre possible de produits et services. C’est ainsi que la ville de Deauville est titulaire de 22 marques incluant Deauville dont certaines sont données en licence à des tiers ; quant à la commune de Saint-Tropez, elle est titulaire de 42 marques incluant le terme Saint-Tropez.

Toutefois, pour être valable, une marque doit notamment être exploitée.

En effet, l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) prévoit qu’ « encourt la déchéance de ses droits, le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans ».

Les collectivités territoriales devaient donc, pour pouvoir s’opposer avec succès à l’enregistrement d’une marque reprenant leur nom, avoir déposé ce dernier à titre de marque désignant les produits et services concernés, et s’assurer que celle-ci avait été sérieusement exploitée durant les 5 dernières années pour ces mêmes produits et services. À défaut, elles encouraient le risque que soit demandée la déchéance de leurs droits pour tout ou partie de leur marque.

Or, l’usage sérieux souvent difficilement réalisable en pratique pouvait faire défaut, paralysant toute action.

D’autres, n’ayant pas déposé leur dénomination à titre de marque, ont tenté de s’opposer à des marques déposées par des tiers en évoquant notamment la tromperie sur l’origine des produits, le parasitisme, la nullité des marques. C’est le cas de la commune de Laguiole qui a tenté, sans succès, de s’opposer à des marques LAGUIOLE déposées par des tiers pour désigner des produits divers tels que des barbecues, des meubles, du linge de maison.

La commune de Laguiole invoquait notamment que ces marques constituaient des pratiques commerciales trompeuses du fait qu’elles étaient propres « à créer une indication de provenance trompeuse des produits désignés sous ce nom » et se prévalaient de dépôts frauduleux puis d’un risque de confusion entraînant selon elle le prononcé de la nullité de ces marques « du fait qu’elles constituent une indication de provenance trompeuse et qu’elles portent de plus atteinte à son nom, son image et à sa renommée ».

Le 4 avril 2014, la Cour d’appel de Paris l’a déboutée de l’ensemble de ses demandes.

La loi n° 2014-344 dite Hamon du 17 mars 2014 a souhaité répondre à la problématique à laquelle les collectivités territoriales étaient confrontées.

En effet, selon le législateur, il est apparu nécessaire de doter les collectivités territoriales de moyens plus efficaces de défendre leur nom et les intérêts des entreprises locales face à des comportements qui s’apparentent souvent à du parasitisme.

Ainsi, celui-ci a introduit l’article L. 712-2-1 au Code de la propriété intellectuelle qui met en place un dispositif permettant à ces collectivités d’êtres alertées par l’Institut national de la propriété intellectuelle (INPI) de tout dépôt d’une demande d’enregistrement de marque incorporant leur dénomination ou une dénomination similaire. Les conditions de mise en œuvre de ce dispositif seront fixées très prochainement par décret.

En outre, la procédure d’opposition devant l’INPI – jusqu’alors notamment limitée aux propriétaires d’une marque enregistrée ou déposée antérieurement – a été ouverte aux collectivités territoriales.

Cette ouverture, au profit des collectivités territoriales, combinée au système d’alerte permettra à celles-ci, il faut l’espérer, de protéger avec succès leur dénomination.

 

Delphine Brunet-Stoclet, Associée du Cabinet SBKG & associés, Avocat spécialiste en droit de la Propriété Intellectuelle, et Marie André-Nivet, Avocat Cabinet SBKG & associés,
avec la collaboration de Marion Bombard, Élève Avocat.


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