Commune sans pesticides : plus qu’une révolution technique, une révolution culturelle!

Publié le 3 octobre 2016 à 8h04 - par

Entretenir parcs et rues sans recourir aux pesticides, c’est possible ! À l’Isle d’Espagnac, Mme le maire montre avec fierté le beau panneau « Terre saine » obtenu, non sans accroc, par sa ville.

Commune sans pesticides : plus qu'une révolution technique, une révolution culturelle!

Au 1er janvier, ces produits chimiques seront interdits aux collectivités. En Charente, la commune de 5 500 habitants a pris les devants, comme plus de 4 000 autres en France.

Dans les rues de ce bourg tranquille collé à Angoulême, le changement saute à peine aux yeux : un peu d’herbe au pied des murs, plus loin une petite jachère fleurie… Pourtant le passage au « zéro pesticide » aura marqué les esprits.

« Nous n’avons pas assez communiqué auprès de nos administrés », reconnaît Marie-Hélène Pierre, maire (PS). « La première année, il y a eu de l’herbe sur les trottoirs, la transition a été très brutale. Mais on a tenu bon. Les élus doivent être vraiment engagés, car ils s’en prennent plein la tête ! »

La décision a été votée par le conseil municipal dès 2011, dans une région alors présidée par Ségolène Royal. « Nous le faisons pour la qualité de l’eau, la santé de nos agents, celle de nos administrés », poursuit Mme Pierre : « C’est un devoir ! »

Sauf que la binette va moins vite que le pulvérisateur. Pour les municipalités, le défi consiste à généraliser des techniques gourmandes en main d’œuvre, à effectif et budget constants. L’Isle d’Espagnac a expérimenté, tatonné, s’est fait aider par l’Agence de l’eau notamment. Un plan de « gestion différenciée » a été établi, intensifiant le travail dans certaines zones (centre, cimetière, stade), et l’allégeant ailleurs, pour compenser.

Par endroits, la tondeuse ne passe plus que toutes les trois semaines, ou bien partiellement, creusant chemins et labyrinthes ludiques dans les herbes hautes.

Ailleurs on laisse la nature « reprendre le dessus », en ne fauchant qu’une fois l’an, explique le directeur des services techniques, Sylvain Brégeon.

Terrains de discorde

Aux plantes annuelles, la ville préfère les vivaces, les bulbes (tulipes, narcisses…) refleurissant d’année en année. Comme Fontainebleau, autre ville zéro phyto, souligne Marc Champault, responsable des espaces publics de la ville royale, venu en Charente comparer les deux modèles.

Agent technique, Martin Guillaume « préfère travailler comme ça » : « quand on désherbait au chimique, on avait des picotements dans la bouche, mal à la tête pendant les deux semaines d’application. Aujourd’hui il n’y a plus de désagrément, à art la nuisance sonore ».

L’Isle d’Espagnac économise aussi 8 000 à 10 000 euros annuels de produits, et l’apicultrice est contente, et les vers luisants de retour, énumère Mme Pierre. « Il faut le répéter : la commune n’est pas sale parce qu’il y a des herbes. Au contraire, il y a des herbes parce qu’elle est propre ! »

L’opération rencontre encore quelques difficultés. Notamment au cimetière, couvert aujourd’hui d’un tapis herbeux qui lui confère une certaine douceur – mais qui l’été peut s’apparenter à un paillasson. Cette vision n’enchante guère un public, généralement âgé, en quête de netteté. Aussi les agents trouvent parfois, autour des tombes, des traces jaunes caractéristiques du glyphosate (composant du Roundup). « Ce n’est pas parce qu’on ne met pas de désherbant que nos administrés doivent le faire ! », s’étrangle Mme le maire.

La situation semble s’apaiser du côté du stade de foot, dont la ville a aussi changé l’herbe, optant pour une variété plus résistante, la fétuque.

L’été le terrain n’est pas arrosé, pour éliminer chiendent et trèfles. « Il devient alors marron et toute la ville est en émoi ! », raconte Mme Pierre. Mais à la reprise de l’entraînement, il retrouve son arrosage, et son vert. « Les joueurs trouvent que ça pique un peu », admet le responsable des espaces verts. Ils voient moins bien le marquage, tracé au blanc d’oeuf.

Aujourd’hui la ville communique dès qu’elle le peut. Via ses agents, dans la presse, à l’école, mais aussi auprès de ses nombreux jardiniers amateurs, à qui elle propose ateliers et sachets de graines. Car au 1er janvier 2019, la vente de pesticides chimiques sera aussi interdite aux particuliers.

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