La grande faiblesse de la France en matière de recyclage « plastique »

Publié le 2 octobre 2015 à 13h46 - par

Dans les quartiers de bureaux, à la pause déjeuner, les poubelles débordent de vaisselle et couverts jetables, qui finiront dans un centre d’enfouissage ou d’incinération. La France, une des championnes de la production de plastiques en Europe, se traîne au bas du classement en matière de recyclage.

La grande faiblesse de la France en matière de recyclage "plastique"

Même s’il s’apprête à prendre des mesures, avec l’interdiction à partir de janvier des sacs plastique à usage unique dans le commerce puis en 2020 de la vaisselle jetable, le pays affiche des performances très médiocres en matière de recyclage des déchets de plastique.

Selon le bilan publié en mars par l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe), la « France se positionne comme un des pays européens les moins performants », avec un taux moyen de recyclage des déchets plastiques de 20 % environ. Ce qui la place au même niveau que la Hongrie. Seuls cinq pays sur 28 font moins bien, la Finlande, la Bulgarie, la Grèce, Chypre et Malte, indique Plasticseurope, le regroupement des industriels du plastique européen.

Au moment où la Fédération internationale de gynécologues Figo dénonce l’impact très négatif de certains plastiques sur la reproduction et la santé humaines, et à quelques semaines de la conférence de Paris contre le réchauffement climatique, fortement alimenté par l’exploitation des produits pétroliers d’où sont extraits les plastiques, des acteurs de la filière recyclage communiquent sur leurs projets pour augmenter le volume recyclé.

Suez Environnement promeut son « Plast Lab » qui permettra de produire du plastique recyclé, Veolia vante ses nouveaux systèmes sur écran tactile pour ses centres de tri haute performance, Labarletier créée « l’Ecobox » sur les parkings de supermarchés qui distribue des bons d’achat en échange de bouteilles de plastique vides.

Seulement les bouteilles et flacons

Mais l’évolution est trop lente pour endiguer la marée de plastiques, d’autant que la chute massive des prix du pétrole rend moins compétitifs le recyclage et la récupération par rapport aux produits neufs, indiquent les rapports officiels.

« Seulement un cinquième des 3,3 millions de tonnes de déchets plastiques de post-consommation en France est envoyé en centre de recyclage, le reste étant valorisé énergétiquement » (41,7 % en 2011), c’est-à-dire incinéré pour produire par exemple du chauffage urbain, « ou enfoui/stocké (39,1 % en 2011) », précise le rapport de l’Ademe.

Les collectivités locales chargées de la collecte et du tri, et l’industrie se renvoient la balle pour savoir qui doit financer le recyclage. « Le tri sélectif et le recyclage de plastique revient entre 700 et 1 000 euros la tonne, ce qui est beaucoup plus cher que le verre par exemple », souligne Nicolas Garnier, de l’association Amorce qui regroupe les acteurs des collectivités chargés du traitement des déchets.

« Aujourd’hui, en matière de plastiques, la seule chose qui se recycle en France, ce sont les bouteilles et flacons, à l’exception de certaines villes test couvrant au total quelque 4 millions de personnes », rappelle-t-il.

Trois filières industrielles distinctes ont ainsi été créées depuis 1992, début du tri sélectif en France. La première s’occupe du plastique transparent (eau minérale plate), la deuxième du plastique transparent coloré (eau pétillante), et la troisième du plastique opaque (lait, lessive..). Au delà, tout reste à faire.

Très peu de gens connaissent les consignes, et continuent de remplir leurs poubelles de tri de gobelets, pots de yaourt, barquettes, jouets, brosses à dent, raquettes, films plastiques, papier-bulles d’emballage, et autres polystyrènes qui n’ont rien à y faire.

Certains ne s’en soucient pas. « Une fois que j’ai consommé ma salade de carottes, je la jette et je ne me soucie pas de la poubelle dans laquelle elle va », dit Vincent Garnier, étudiant rencontré à Paris à la pause déjeuner. D’autres voudraient bien, mais ne comprennent pas les consignes.

Éco-Emballages, l’éco-organisme qui fait travailler ensemble collectivités locales et industriels du déchet, a annoncé un progrès important la semaine dernière : un quart des Français, soit près de 15 millions, vont pouvoir trier tous leurs emballages plastiques, y compris pots de yaourt, sacs et blisters de jambon blanc. Mais il faudra attendre fin 2016, et tout ce qui n’est pas emballages, comme les vaisselles jetables, resteront exclues de la mesure.

L’exemple de San Francisco

« À terme, le but c’est de doubler le taux. On vise 45-50 % de taux de recyclage des emballages plastiques. De 250 000 tonnes, on devrait passer à 500 000 tonnes d’ici à 2022, » dit Carlos De Los llanos, directeur du recyclage chez Éco-Emballages, qui compte pour cela sur une réduction du nombre de centres de tri de 240 à une centaine, mais « plus gros, mieux équipés, plus modernes, pour pouvoir être plus efficaces ».

Et on pourra difficilement aller plus loin, les plastiques sont trop complexes, mélangés. Il faudrait prévoir le recyclage dès la conception de l’objet, ou, comme à San Francisco, bannir la vente de petites bouteilles d’eau minérale dans les lieux publics ainsi que les emballages en polystyrène.

Dans le centre de tri modèle de Sarcelles, au nord de Paris, d’où d’énormes balles de plastiques triés ressemblant à des compressions de sculptures contemporaines sortent chaque jour, « l’extension du tri » aux pots de yaourt, sacs et barquettes est déjà un fait. La ville fait partie des sites qui ont testé le dispositif. Pourtant, même avec cette mesure, elle ne parvient à recycler que 3,2 kg de plastique par habitant et par an, alors que chacun en produit 17 kg.

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