Les communes françaises en chemin vers le « zéro phyto »

Publié le 19 septembre 2016 à 9h40 - par

Binette, débroussailleuse et huile de coude : pour éradiquer les mauvaises herbes, les communes françaises doivent trouver une alternative aux pesticides dans l’entretien de leurs espaces verts, avant l’interdiction prochaine de ces produits dans l’espace public.

Les communes françaises en chemin vers le "zéro phyto"

« C’est un peu une révolution culturelle dans le pays du jardin à la française, où tout est net et où pas une herbe ne dépasse. On pensait un petit coup de pulvérisateur et c’était fini », remarque Yann Lemoigne, directeur du service des techniques végétales à la mairie de Clermont-Ferrand, interrogé lors des 6e assises nationale de la biodiversité qui se tenaient jusqu’à vendredi 16 septembre dans la capitale auvergnate.

En vertu d’une loi votée début janvier 2014 au Parlement, les produits phytosanitaires seront interdits dans les parcs et jardins, promenades, forêts et autres voiries publiques, à compter du 1er janvier 2017.

« Les maires n’auront plus le choix. S’ils continuent à manipuler les pesticides, ils engageront leurs responsabilités personnelles. Il n’y aura pas de dérogation », prévient le sénateur EELV du Morbihan Joël Labbé, à l’origine de cette interdiction.

Or, si pour de nombreuses municipalités, cette loi avalise des pratiques déjà existantes, il est fort à parier que de nombreuses communes ne seront pas prêtes d’ici là.

En 2015, 10 % des communes françaises (dont 60 % des villes de plus de 50 000 habitants) s’étaient officiellement lancées dans cette démarche, selon des chiffres fournis par M. Labbé, qui considère que le « mouvement s’est depuis accéléré ».

En Auvergne, environ 20 % des communes ont signé à ce jour une charte s’engageant à réduire les produits phytosanitaires sur leurs communes, selon la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (FREDON).

« Cet objectif du 1er janvier est difficilement tenable. Il y a certes des villes très volontaires et pionnières en la matière, comme en Bretagne, mais d’autres villes, plus moyennes et qui disposent de moins de personnels, ont parfois d’autres priorités à traiter et voient ça comme un fardeau », souligne le responsable de la cellule Environnement à la FREDON Auvergne, Christophe Bras, dont la structure aide les communes à passer au « zéro phyto ».

Gestion différenciée, enherbement, bâchage et paillage, brossage, choc thermique ou hydraulique de la plante : manuelles ou mécaniques, les alternatives aux pesticides existent mais restent contraignantes.

« C’est compliqué à gérer si on cherche à avoir le même village qu’il y a 10 ans. Si on n’accepte pas que la nature reprenne un peu ses droits, c’est infaisable. Il faut repenser l’aménagement des espaces urbains mais cela exige du temps », atteste Stéphane Maneval, technicien de rivières de la communauté d’agglomération de Clermont-Ferrand.

Le changement de pratiques a d’ailleurs été un « choc » à Clermont-Ferrand pour les équipes chargées de la propreté de la ville. « Il faut s’organiser pour éviter le ras-le-bol et les troubles musculosquelettiques (TMS) chez les agents », renchérit M. Lemoigne.

Le plus dur, le cimetière

Mais paradoxalement les plus réfractaires sont encore parfois les habitants eux-même, inquiets de voir les herbes folles prendre racine sur le macadam local. À plus forte raison sur la pelouse du terrain de sport ou dans les allées gravillonnées du cimetière, zones pourtant exclues du périmètre de la loi Labbé.

« Le plus dur, c’est le cimetière. Les habitants viennent quotidiennement nous voir pour se plaindre », témoigne, un peu désemparé, Charles Bornard, adjoint à l’environnement de Châtillon-d’Azergues (Rhône), venu chercher des réponses aux assises.

« Ce mode de gestion reste, en pratique, très contraignant pour la collectivité et parfois mal compris par les administrés. Il faut communiquer inlassablement afin d’encourager les habitants à porter un autre regard sur ce qu’on appelle à tort les mauvaises herbes », renchérit Julie Duvert, adjointe à la communication et à la démocratie de proximité à la mairie de Chamalières (Puy-de-Dôme).

Car l’herbe dans les cimetières, « c’est véritablement un motif à perdre les prochaines élections municipales », abonde encore Christophe Bras.

D’ici là, les particuliers devront à leur tour apprendre à s’affranchir des pesticides, dont la vente sera interdite au 1er janvier 2019.

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