Analyse des spécialistes / Développement durable

La redevance incitative, un outil au service de la prévention et de la réduction des déchets ménagers?

Publié le 26 août 2014 à 15h14 - par

En application du principe pollueur-payeur, le législateur avait prévu dans la loi « Grenelle 1 » du 3 août 2009, de faire financer par les contribuables une partie du service public d’élimination des déchets ménagers. Ainsi la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) et la redevance des ordures ménagères (REOM) devaient intégrer, dans un délai de cinq ans, « une part variable incitative devant prendre en compte » la quantité de déchets produits (art. 46).

La redevance incitative
Raphaël CrespelleRaphaël CRESPELLE Karelle DiotKarelle DIOT

La redevance incitative d’enlèvement des ordures ménagères (REOM), en ce qu’elle était fixée en fonction du service rendu, permettait dès son origine la mise en place d’une redevance incitative. En revanche, aucune disposition ne permettait l’institution de la TEOM incitative.

La loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 a donc réaffirmé le principe de mise en place d’une TEOM incitative, mais à titre expérimental pour une durée de cinq ans. Cependant, faute de précisions sur les modalités pratiques de mise en œuvre, les collectivités pouvaient difficilement l’instaurer.

C’est finalement la loi de finances pour 2012 qui a complété le dispositif permettant la mise en application de la part incitative de la TEOM à compter de 2013 (art. 1522 bis dans le Code général des impôts).

Rappel des modes de financement du service public d’élimination des déchets ménagers

Les collectivités territoriales disposent de trois possibilités pour financer le service public de l’élimination des déchets ménagers : les recettes du budget général de la collectivité, la TEOM et la REOM.

La TEOM est un impôt dû par le contribuable, contrairement à la REOM qui est versée par l’usager en fonction du service rendu.

La REOM incitative ayant pu être mise en œuvre dès le 1er janvier 2011, l’ADEME, en août 2012, avait constaté que 134 collectivités représentant 3,7 millions d’habitants avaient lancé la mise en place de la REOM incitative.

La TEOM peut également, depuis 2013, inclure une part incitative, pour encourager la réduction et le tri des déchets des ménages. Elle porte sur toutes les propriétés soumises à la taxe foncière sur les propriétés bâties ainsi que sur les logements des agents publics appartenant à une personne publique.

Sont exonérés de droit de la TEOM, les usines et les locaux sans caractère industriel ou commercial loués par une collectivité publique affectés à un service public.

Les collectivités publiques peuvent également accorder des exonérations au cas par cas (locaux à usage industriel ou commercial ou pour les immeubles munis d’un appareil d’incinération d’ordures ménagères).

Les locaux situés dans une partie de la commune dépourvue de service d’enlèvement des ordures sont exonérés de la taxe (sauf délibération).

Le calcul de la REOM et de la TEOM incitatives

La REOM étant calculée en fonction du service rendu, son montant varie selon l’utilisation qui en est faite. À terme, elle devra contenir une part fixe correspondant aux frais de gestion, à la mise à disposition des bacs et à l’amortissement du matériel de collecte ainsi qu’une part variable proportionnelle au service rendu (en fonction du volume des déchets, de leur poids et du nombre de personnes).

La TEOM incitative est aussi désormais composée d’une part fixe et d’une part variable. Sa part incitative est calculée en multipliant la quantité de déchets produits pour chaque local imposable l’année précédant celle de l’imposition, par un ou des tarifs par unité de déchets produits.

Le montant de ces tarifs peut varier selon la nature du déchet ou son mode de collecte. Le tarif de la part incitative est fixé chaque année par délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 du CGI, de manière à ce que la part variable de la taxe soit comprise entre 10 % et 45 % de son montant total.

Les constructions nouvelles et les reconstructions peuvent être exonérées de la part incitative la première année suivant la date d’achèvement.

Le recouvrement de la REOM et de la TEOM incitatives

Ce sont les services de la collectivité, qui a institué la redevance, qui établissent et tiennent à jour le fichier des redevables et qui émettent les titres individuels. Elle est due uniquement par les utilisateurs du service qu’elle finance.

La taxation et le recouvrement de la part incitative de la TEOM sont effectués dans le cadre de la taxe foncière. La taxe est due par les propriétaires ou les usufruitiers. Elle est assise sur la valeur locative des locaux.

En pratique, ce mécanisme apparaît coûteux et difficile à mettre en place pour les collectivités locales car il nécessite d’identifier l’usager et de mesurer la quantité et éventuellement la nature des déchets qu’il produit.

Pour les usagers et les contribuables, il est signalé qu’il ne tient pas compte des facultés contributrices de chacun en adaptant le montant taxé aux revenus.

En outre, si le mécanisme s’avérait réellement incitatif, la diminution des déchets pourrait entraîner une réduction de leur volume à traiter, et le cas échéant impacter les contrats conclus avec les opérateurs chargés par la collectivité d’y procéder.

Raphaël CRESPELLE, Avocat en droit public associé au sein du cabinet FTPA
et Karelle DIOT, Avocat en droit public, réseau FTPA


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