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Une proposition de loi pour l’adaptation des territoires littoraux aux changements climatiques assouplit la loi Littoral

Publié le 23 mai 2017 à 14h32 - par

Sous la pression des parlementaires, l’examen de la proposition de loi n° 3959 portant adaptation des territoires littoraux aux changements climatiques et au recul du trait de côte dérive vers un assouplissement de la loi Littoral. Explications par Damien Richard, avocat associé chez Racine Avocats.

Une proposition de loi pour l'adaptation des territoires littoraux aux changements climatiques assouplit la loi Littoral
Damien Richard, Avocat Cabinet RACINE
Damien Richard

La proposition de loi débattue en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 31 janvier 2017 est un texte technique qui doit apporter des réponses pour faire face au recul du trait de côte. Malgré les appels à la raison et la résistance du gouvernement ainsi que du rapporteur du texte, les députés ont essentiellement débattu d’un assouplissement de la loi Littoral. L’Assemblée nationale a finalement voté un article 9A qui participe à l’assouplissement des contraintes urbanistiques, même s’il est bien en deçà des souhaits des sénateurs.

Une proposition de loi ciblée sur l’adaptation des territoires littoraux aux changements climatiques

La proposition de loi enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016 comprenait treize articles visant à élaborer des politiques d’anticipation du changement climatique sur le littoral, identifier le risque lié au recul du trait de côte et encourager le développement durable des territoires locaux en permettant une meilleure prise en compte des risques naturels prévisibles. Le projet organise également une mutualisation de ce risque par une appropriation publique du foncier .

Ce texte s’inscrit dans le prolongement de la conférence de Paris sur le changement climatique et la directive 2007/60 CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relative à l’évaluation et la gestion des risques d’inondation.

Selon le ministre du Logement et de l’habitat durable (Madame Emmanuelle Cosse), la proposition de loi vise à doter les communes concernées par l’érosion des côtes d’outils concrets et opérationnels afin de maintenir une activité humaine essentielle pour le dynamise social et économique des territoires tout en assurant une prévention pragmatique et efficace à destination des populations concernées.

Le recul du trait de côte c’est-à-dire, pour reprendre les propos de Monsieur le député Jacques Krabal, la limite entre la terre et la mer dans des conditions de marées et météorologiques habituelles, impose en effet d’anticiper l’évolution de ce trait de côte sur l’équilibre écologique, mais aussi sur des activités humaines, dans un territoire dont on sait qu’il demeure extrêmement attractif.

La proposition de loi visait donc à définir le trait de côte et reconnaître la réalité de ce recul du fait du changement climatique. Il s’agissait ensuite d’élaborer un certain nombre de planifications en traitant ce phénomène comme un risque naturel devant faire l’objet d’un plan de prévention des risques naturels.

La proposition de loi prévoyait également la création d’un outil de gestion sous forme d’un bail réel immobilier littoral (BRILI) permettant une exploitation temporaire et donc réversible de ces espaces menacés. Ainsi que, pour mutualiser le risque, un mécanisme de financement des appropriations des biens et pertes subies par les habitants et les acteurs économiques du fait de ce phénomène climatique.

Un kidnapping parlementaire

Lors de son vote en première lecture par le Sénat le 11 janvier 2017, le texte a connu une évolution importante avec l’introduction d’articles 9A et 9B assouplissant la loi Littoral et, en particulier, le principe d’extension de l’urbanisation en stricte continuité avec les agglomérations et villages existants ou encore hameaux nouveaux intégrés à l’environnement fixé par l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme.

Les sénateurs avaient en effet voté un article L. 121-10 du Code de l’urbanisme créant cinq exceptions :

  • La densification des hameaux lorsqu’elle respect les proportions en hauteur et en volume du bâti existant,
  • La relocalisation des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations délocalisées du fait de l’évolution du trait de côte,
  • Les constructions ou installations liées aux activités agricoles, forestières ou cultures marines,
  • L’édification d’annexes de taille limitée à proximité d’un bâtiment existant,
  • La création de zones d’activité économique dans les conditions définies par voie réglementaire.

La densification des hameaux et la création de zones d’activité économique ainsi que, dans une moindre mesure, l’édification d’annexes, venaient tous affaiblir la protection que constitue l’article précité du Code de l’urbanisme issu de la loi Littoral.

Madame le rapporteur de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire (Madame Pascale Got), dans son discours introductif au débat, a expressément demandé aux députés d’arrêté le kidnapping de cette proposition de loi sur le recul du trait de côte.

Cet appel fut cependant largement négligé. Les députés ont en effet concentré l’essentiel de leurs débats à ces articles 9A et 9B ajoutés par les sénateurs. Monsieur Gilles Lurton indiquait en particulier que ce débat risquait malheureusement d’être l’occasion manquée de résoudre un certain nombre de difficultés auxquelles se trouvent confrontés depuis des années les élus du littoral.

Monsieur Philippe Rey appelait également de ses vœux que l’étude de cette proposition de loi permette d’évoluer vers une question plus pragmatique des espaces côtiers. À cette occasion, certains députés, comme notamment Monsieur Marcel Saddier, ont plaidé pour la restauration du coefficient d’occupation des sols notamment en zone de montagne, dispositif qui avait été déjà rejeté dans le cadre du débat de l’acte 2 de la loi Montagne.

Au final, les articles 9 a et 9 a b, votés par le Sénat, ont été modifiés par l’Assemblée nationale.

Il demeure néanmoins un article 9 a qui prévoit, en dérogation à l’article L. 121-8, que « dans les hameaux existants, identifiés par un plan local d’urbanisme et comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs, ces dispositions (interdiction de construire) ne font pas obstacle aux opérations qui n’ont pas pour effet d’étendre, de renforcer de manière significative ou de modifier les caractéristiques du périmètre bâti.

Un décret en Conseil d’État précise les critères de définition des agglomérations, des villages et des hameaux existants comprenant un nombre et une densité de constructions significatifs ainsi que des hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Il s’agit d’une position de compromis qui pose cependant un certain nombre de questions et renvoie, pour son application, à la prise d’un décret qui, s’il a été présenté dans sa structure aux députés, n’a pas encore été adopté.

Plus de trente ans après l’adoption de la loi Littoral et à l’instar des débats qu’il y a eu sur l’acte 2 de la loi Montagne, on peut constater que ces lois de protection des territoires fragiles et soumis à une pression démographique et économique constante, demeurent des sujets de discorde importants.

On constatera cependant qu’encore une fois, les critiques sur ce dispositif législatif interviennent dans le cadre d’un texte périphérique alors qu’officiellement une quasi-unanimité règne pour affirmer le bien-fondé de la loi Littoral et la nécessité de préserver ces espaces côtiers.

Damien Richard, Avocat Cabinet RACINE

 

Texte de référence : Proposition de loi n° 3959 enregistrée à la présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2016
Débat lors de la séance du mardi 31 janvier 2017 en seconde lecture devant l’Assemblée nationale


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