Rémunération des fonctionnaires : le gouvernement passe en force

Publié le 30 septembre 2015 à 13h36 - par

Le gouvernement a choisi mercredi 30 septembre de passer en force sur le projet d’accord sur la rémunération et les carrières (PPCR) des fonctionnaires, déclenchant la fureur des syndicats non-signataires, CGT, FO et Solidaires, majoritaires aux élections professionnelles.

Rémunération des fonctionnaires : le gouvernement passe en force
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Au lendemain du refus de la CGT, premier syndicat dans la fonction publique, qui enterrait de facto le protocole, le Premier ministre a annoncé qu’il « s’appliquerait » malgré tout aux 5 millions d’agents publics.

« Face à une situation inédite, il faut sans doute une décision exceptionnelle. (…) Nous avons décidé, avec la ministre de la Fonction publique Marylise Lebranchu, que l’accord approuvé par six organisations syndicales s’appliquerait », a déclaré Manuel Valls sur France Inter.

Initialement, Marylise Lebranchu avait assuré que faute d’accord majoritaire, le gouvernement retirerait toutes ses propositions, y compris celle sur une négociation salariale en février, alors que le point d’indice, qui sert de base au calcul des salaires des fonctionnaires, est gelé depuis 2010.

Le Premier ministre a fait valoir que les six syndicats signataires, même s’ils ne franchissaient pas la barre des 50 % nécessaires, représentaient « 49 % des fonctionnaires » et qu’ils étaient « très majoritaires, c’est-à-dire 59 % » dans la fonction publique d’État.

Le projet d’accord concerne les trois versants de la fonction publique – État, territoriale et hospitalière – où les syndicats signataires et représentatifs totalisent 46,70 % des voix (CFDT, 19,3 % – Unsa, 10,4 % – FSU, 7,9 % – CFTC, 3,3 % – CFE-CGC, 2,9 % – FA-FP, 2,9 %).

En face, CGT, FO et Solidaires rassemblent à eux trois 48,55 % des suffrages aux élections professionnelles. D’autres listes complètent le total mais ne sont pas représentées au Conseil commun de la fonction publique.

« 49-3 » du dialogue social

Les trois opposants au texte, « consternés » et « écœurés », se sont aussitôt élevés contre la décision du gouvernement.

Lorsque « le résultat de la consultation ne convient pas à M. Valls, il s’assoit dessus et passe en force », a réagi Jean-Marc Canon (CGT). Il s’agit d’un « enterrement de première classe du dialogue social dans la fonction publique », a renchéri Christian Grolier (FO), en évoquant un « 49-3 de la fonction publique ».

Quant à Solidaires, il a fait part de son « écœurement » devant une « pratique à géométrie variable des accords qui illustre ou confirme le mépris de ce gouvernement envers le dialogue social ».

Depuis 2014, en vertu des accords de Bercy de 2008 sur la rénovation du dialogue social dans la fonction publique, seuls les accords signés par une ou plusieurs organisations syndicales ayant recueilli au moins 50 % des voix aux dernières élections professionnelles sont valides. Mais la loi précise aussi que la fonction publique « conserve ses spécificités ».

La CGT et Solidaires ont donc appelé les personnels à se mobiliser le 8 octobre, journée de manifestation pour des hausses de salaires et pour l’emploi organisée à leur initiative et celle de la FSU.

A contrario, la CFDT et l’Unsa ont salué une « bonne nouvelle » pour les agents publics, de même que la ministre de l’Éducation Najat Vallaud-Belkacem qui a estimé que, « pour les enseignants », l’accord a un « impact considérable » en termes de rémunération.

« Rénovation des grilles indiciaires, amélioration des déroulements de carrières, engagement de revaloriser le point d’indice », autant de mesures qui vont pouvoir s’appliquer, s’est félicitée la CFDT.

Le syndicat a toutefois regretté que « cet accord non validé renvoie au seul gouvernement la décision de l’appliquer », tandis que l’Unsa a estimé que cette situation « met en relief les limites de la loi régissant le dialogue social dans la Fonction publique ».

Finalisé en juillet après un an de négociations, le texte propose de revoir d’ici 2020 toutes les grilles de rémunération (catégories A, B et C), en contrepartie d’un allongement des carrières. Un chantier inédit depuis le vaste accord Durafour de 1990 rénovant les grilles salariales.

Il prévoit aussi une négociation salariale en février.

 

par Sabine PRADELLA

 

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