À Issy-les-Moulineaux, les petits bidouillent déjà avec le code informatique

Publié le 12 mars 2015 à 16h00 - par

À 6 ans, certains savent à peine lire mais programmer un jeu vidéo ne leur fait pas peur: après la classe, des enfants d’Issy-les-Moulineaux mettent les doigts dans le code informatique, un premier pas vers l’accès à « la citoyenneté numérique ».

Éducation numérique

Après le goûter, huit enfants surexcités s’installent derrière les ordinateurs. Pas pour jouer à un jeu, mais pour l’inventer. Chaque semaine depuis janvier, ces élèves de l’école Paul-Bert apprennent avec Yazid, animateur de la Ville, à programmer un casse-briques à partir du logiciel Scratch.

Conçu par le prestigieux Massachusetts Institute of Technology, il permet aux enfants de créer des jeux ou des animations en manipulant des blocs visuels comme autant de maillons composant un algorithme.

Dans la salle, les bidouilleurs sont absorbés par leur projet. « Je pense pas que je vais y arriver », s’inquiète Mohammed, 6 ans. Pour Yannis, 7 ans, « c’est facile finalement » : « il faut programmer la barre pour que la balle rebondisse sur elle, sinon on a perdu ». En cinq séances, il avait créé son jeu.

À la maison, papa et maman ont chacun une tablette, lui a un ordinateur pour enfants, un PC portable qu’il emprunte à ses parents et aussi une montre-téléphone…

« On a tous vu des enfants de 3 ans manipuler des smartphones ou des tablettes », alors que « certains à 30-40 ans ne sauront toujours pas comment ça marche », souligne Deborah Elalouf, présidente de Tralalère.

Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), en pointe dans l’innovation numérique, a noué un partenariat avec cette société spécialisée dans l’éducation numérique et l’ONG Bibliothèques sans frontières (BSF), qui, dans le cadre de leur programme respectif, « Code Décode » et « Les Voyageurs du code », forment les animateurs de ces ateliers périscolaires proposés dans 8 écoles.

« Langage du 21e siècle »

« L’objectif est de faire émerger toute une génération de citoyens numériques avertis », « acteurs du monde numérique et pas seulement consommateurs de technologies », résume la présidente de Tralalère. « On les aide à manipuler le code pour qu’ils ne soient pas manipulés ».

« Pour que les enfants comprennent que derrière le partage d’une image ou un tweet, ce n’est jamais anodin, on laisse des traces », abonde Anne-Laure Depré, chef de projet chez Tralalère.

Et en apprenant à parler à la machine, les enfants développent leur sens de la logique, la rigueur et l’autonomie, selon Tralalère et BSF. Ici, il n’y a pas de compétition : « ils bidouillent ensemble et l’apprentissage par l’erreur est valorisé, ce qui permet de dédramatiser le bug », explique Mahaut de Moulins, chargée de projet Voyageurs du code à BSF.

À l’image de Montreuil avec le Kids coding, club porté par l’association Les Compagnons du dev et d’Issy, une des « villes pionnières », les initiatives fleurissent en France pour démystifier la programmation informatique et robotique auprès du grand public.

L’Éducation nationale veut aussi inviter le code sur les bancs de l’école : le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture, présenté cette semaine à la communauté éducative, pour une entrée en vigueur à la rentrée 2016, prévoit que l’élève « connaît les principes de base de l’algorithmique et du codage ».

Car sur ce sujet, la France est à la traîne, contrairement à la Finlande, les États-Unis ou l’Angleterre qui a rendu cette matière obligatoire dès 5 ans dans le public…

Faut-il faire de même ? « C’est important mais pas essentiel », nuance Michel Guillou, blogueur spécialisé dans l’éducation aux médias, qui plaide plutôt pour « que le numérique pénètre l’école dans l’ensemble des disciplines ».

À Paul-Bert, Thibaut, 6 ans, se verrait bien « travailler sur des ordinateurs ». « Si on peut éveiller des vocations, tant mieux », glisse Mme Elalouf. Mais pas question de forger « une armée de codeurs » au service d’une économie numérique en manque de bras. « L’enjeu est bien plus large que la réalité industrielle : il s’agit de maîtriser le langage du 21e siècle ».

Nathalie ALONSO / Copyright © AFP : « Tous droits de reproduction et de représentation réservés ». © Agence France-Presse 2015