Les 35 heures soufflent leurs 15 bougies

Publié le 10 février 2015 à 0h00 - par

Les salariés et fonctionnaires sont attachés au dispositif des 35 heures tandis que les décideurs économiques et politiques y sont toujours farouchement opposés. Quel bilan en dresser ?

Les 35 heures soufflent leurs 15 bougies

Le cadre des 35 heures

Le 1er février 2000, toutes les entreprises de plus de 20 salariés passaient officiellement de 39 à 35 heures, suite à l’entrée en vigueur des lois Aubry de 1998 et 2000. 35 heures devient la durée légale du travail par semaine, représentant 1 607 heures de travail annuels, la maximale de travail autorisée étant fixée à 48 heures. Au-delà de 35 heures, le travail est payé en heures supplémentaires. L’idée du dispositif était de partager le travail pour faire diminuer le chômage tout en augmentant le temps libre. Pour une partie des salariés, elles se sont traduites par une semaine allégée et/ou l’octroi de RTT, sous forme de jours de « congés » supplémentaires compensant le travail au-delà des 35 heures hebdomadaires.

Initialement, le gouvernement de Lionel Jospin affirmait que les 35 heures allaient permettre la création de 700 000 emplois. 350 000 emplois auraient été créés selon plusieurs rapports concordants. En contrepartie, elles auraient contribué à la baisse du taux de marge des entreprises entraînant des faillites en hausse et auraient augmenté le coût fiscal par des exonérations de charges sociales compensatoires.

Les accords 35 heures ont été mis en place en 2002 dans la fonction publique, de manière rapide et avec des disparités entre les hôpitaux : 15 jours pour une durée hebdomadaire de 3 heures 30, 20 jours pour 39 heures hebdomadaires… pouvant aller jusqu’à 28 jours de RTT par an dans un établissement.

Le bilan dans les hôpitaux

Sur les 37 000 emplois non médecins qui devaient être créés avec les 35 heures, 32 000 seulement l’ont été. En outre, 24 % des postes de praticiens restent aujourd’hui vacants. « Le nombre de jours travaillés a diminué (à cause des RTT) et l’ensemble des postes ne sont pas pourvus. Les agents peuvent donc être rappelés pendant leurs congés, ils changent de plannings régulièrement, réalisent des heures supplémentaires non régulées », déplore la Fédération Hospitalière de France.

Mais pour beaucoup, les 35 heures ne constituent pas le problème. Les infirmiers et le personnel hospitalier sont sous pression, souvent à la limite de la rupture physique et psychologique. Les rapports des médecins du travail en témoignent. Les RTT représentent dans ce cadre une bouffée d’oxygène, un moment de repos nécessaire. L’ensemble des organisations de défense du personnel est unanime pour dire que le principal problème, c’est le manque de personnel.

Haro sur les 35 heures dans le cadre d’un retour à l’équilibre

« La question du temps de travail ne peut plus être taboue ». Les 35 heures sont un système « ingérable » selon le président de la FHF en septembre 2014. Il réclame un assouplissement du régime des 35 heures à l’hôpital, en instituant un plafond de 15 RTT par an, ce qui permettrait de dégager 640 000 journées de travail annuellement et d’économiser 413 millions d’euros. Le nombre de jours de RTT accordés variant entre 10 et 25, pour une durée journalière de travail oscillant entre 7 et 8 heures 30, la tentation est grande de revenir sur ces RTT en modifiant l’amplitude du travail.

La Cour des comptes préconise une hausse du temps de travail dans la fonction publique. D’après elle, 2 heures de présence supplémentaire par semaine permettraient de réduire les dépenses de 1 à 1,5 milliard d’euros par an, grâce à la baisse du nombre d’heures supplémentaires et à la limitation des recrutements. Dans un rapport très récent, l’Institut Montaigne – Think tank (« réservoir d’idées ») français d’obédience libérale – propose de revenir à 38 voire 39 heures par semaine, ce qui générerait selon lui 7 milliards d’euros d’économie par an. Une quarantaine d’établissements hospitaliers ont déjà renégocié le protocole sur le temps de travail avec une réduction du nombre de RTT.

Le déficit global des hôpitaux a atteint 400 millions d’euros en 2013 et leur dette 30 milliards d’euros. Le gouvernement vient d’annoncer 2 milliards d’euros d’économies supplémentaires d’ici 2017. « Si l’on veut faire davantage d’économies sans réduire le nombre de postes, on n’a pas d’autre choix que de limiter le nombre de jours de RTT », assure le président de la FHF. Pour l’hôpital Paul-Guiraud de Villejuif, dans le Val-de-Marne, réduire le nombre annuel de jours de RTT de 27,5 à 18, en ramenant le temps de travail quotidien de 8 heures à 7 heures 36, devrait lui permettre d’économiser 3,6 millions d’euros par an.

L’équation est désormais posée par la FHF pour les hôpitaux : 400 millions d’euros de décicit annuel, 433 millions d’euros de dépenses en moins avec 15 jours de RTT annuels. Devant la commission d’enquête de l’Assemblée nationale, Emmanuel Macron, ministre de l’Économie, a confié que l’assouplissement des 35 heures devrait concerner d’abord la fonction publique, et plus particulièrement les hôpitaux.

Le paradoxe des 35 heures

Instituées comme une mesure phare sociale visant à diminuer le chômage, les 35 heures, trop vite appliquées dans les hôpitaux, mal accompagnées, ont généré des heures supplémentaires et des comptes épargne temps à foison. Elles sont aujourd’hui remises en cause au nom de la compression du personnel indispensable à un retour d’équilibre financier, dans une situation générale d’emploi plus grave qu’en 2002.

Vérité d’un jour n’est pas celle de toujours…

DT.

Pour en savoir plus :


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Action sociale »

Voir toutes les ressources numériques Action sociale