Communauté urbaine de Strasbourg : un diagnostic énergétique et prospectif

Publié le 18 août 2010 à 0h00 - par

Alors que la performance énergétique des établissements recevant du public est soumise à des évolutions réglementaires, les marchés de réalisation de diagnostics sont de plus en plus complexes. Exemple à Strasbourg.

Communauté urbaine de Strasbourg : un diagnostic énergétique et prospectif

Le Grenelle de l’environnement peine encore à trouver sa pleine application dans les dispositions législatives et réglementaires. Et pourtant, les diagnostics énergétiques, eux, sont bel et bien entrés dans les mœurs. Chaque année depuis trois ans, la communauté urbaine de Strasbourg (CUS) les réalise pour son propre compte et celui de la ville, par le biais de la passation d’appels d’offres ouverts. Selon Dorothée Monteillet, adjointe au responsable de la mission énergie, ces études sont souvent l’occasion d’une prise de conscience : « La réalisation d’un diagnostic énergétique nous aide à orienter notre action. En plus d’une réhabilitation du bâti, cela met en exergue les habitudes énergivores et permet de travailler sur la sobriété en agissant sur le comportement du personnel. »

Par diagnostic énergétique s’entend un état des lieux de la performance énergétique du patrimoine immobilier, une analyse critique de la situation et un plan d’action bâtiment par bâtiment, dont les travaux font ensuite l’objet d’un autre marché. Le prestataire doit alors définir les interventions à réaliser pour se mettre en conformité avec la réglementation thermique du Code de la construction de 2005. Mais, dans un domaine soumis à de multiples évolutions réglementaires, la CUS se devait aussi d’anticiper les évolutions à venir, si elle voulait atteindre l’objectif d’une réduction de 30 % des consommations énergétiques fixé par son plan climat territorial. « Nous avons pensé que le simple respect du cahier des charges proposé par l’ADEME risquait d’être insuffisant et avons donc demandé aux prestataires de définir les interventions à réaliser pour une mise en conformité avec les normes Très haute performance énergétique (THPE) et Bâtiment basse consommation (BBC) selon le bâti. Elles seront intégrées dans la réglementation thermique 2012 selon les recommandations du Grenelle de l’environnement », souligne Dorothée Monteillet.

La part belle à la valeur technique

Le label BBC implique un objectif de réduction de 40 % des dépenses énergétiques et le THPE un objectif de 20 %. « Pour les atteindre, les prestataires devaient réfléchir aux gisements d’économie d’énergie et identifier les possibilités d’utilisation d’énergies renouvelables. Parmi elles, on peut citer par exemple l’usage du solaire thermique, la récupération des calories dans les canalisations d’eaux usées ou l’utilisation de pompes à chaleur, le tout participant à l’élaboration d’un mix énergétique », ajoute Michel Huckert, ingénieur au service Ingénierie de la construction. Parmi les critères de pondération, 60 % étaient attribués à la valeur technique. Les prestataires devaient calculer les performances des bâtiments en prenant en compte le coût global. Des prospections en fonction notamment de l’augmentation du coût de l’énergie ont été demandées. Le prix et les délais d’exécution comptaient pour 20 % chacun. Onze sociétés ont répondu à cet appel d’offres ouvert comprenant deux lots : d’un côté, quatre équipements sportifs (gymnase, piscine) et de l’autre, 14 bâtiments techniques, ateliers et bureaux, utilisés par la collectivité. Les prestataires retenus le 28 janvier sont l’antenne nancéenne de la société Inddigo pour le premier lot (21 175 euros HT), et la société Éco service (20 465 euros HT).

Entretien avec Dorothée Monteillet, adjointe au responsable de la mission énergie de la CUS et Michel Huckert, ingénieur au service Ingénierie de la construction

« Les diagnostics sont des présentations stratégiques »

HA : Pourquoi avoir autant majoré la valeur technique ?

Dorothée Monteillet : L’ADEME pose un cadre de référence nécessaire pour percevoir ses aides couplées à celles de la région (de l’ordre de 350 euros par bâtiment, plafonné à 70 % du montant des travaux). Nous avons donc utilisé leur cahier des charges mais celui-ci ne fixe pas d’objectifs en termes de performance. Or à la CUS, nous souhaitions l’expertise des prestataires aussi sur cet aspect. C’est toute la différence entre les bureaux d’études et les bureaux de contrôle : tandis que les premiers se cantonnent au respect de la réglementation, les seconds ont une approche prospective sur les normes à venir. C’est la raison pour laquelle nous avons valorisé à hauteur de 60 % les critères techniques. Nous les avons voulus exigeants sur la démarche à accomplir.

HA : Quelle est cette démarche ?

D.M. : Nous avons demandé au prestataire de rechercher « l’énergie grise » des différents composants utilisés pour le plan d’action à réaliser bâtiment par bâtiment. En clair, il s’agit de réaliser un bilan énergétique global comprenant la production et le transport, afin de ne pas privilégier des matériaux aux coûts cachés, comme par exemple l’aluminium et de disposer d’éléments tangibles de nature à guider le choix des décideurs. Nous avons aussi exigé un calcul des performances en coût global actualisé comprenant l’investissement, l’exploitation du bâtiment, la maintenance, le renouvellement des installations ainsi que l’augmentation du coût de l’énergie sur 20 ans. Cela permet aux gestionnaires de se rendre compte de l’incidence d’une action sur les années à venir. À cela s’ajoutait l’évaluation indispensable de l’impact des matériaux sur la santé, ainsi que l’estimation de la température en été dans les bâtiments.

HA : Quels conseils donneriez-vous ?

Michel Huckert : L’acheteur doit être clair sur ce qu’il exige de son prestataire. Dans notre cas, nous avons tout de suite précisé qu’il nous fallait une présentation dynamique pour réaliser une restitution publique, en plus d’un rapport. Car nous pensons que ces diagnostics sont des présentations stratégiques, qui justifient la programmation des investissements et participent à une politique de sensibilisation des agents.

HA : Comment avez-vous maîtrisé vos coûts ?

D.M. : Sur ce marché en plein essor, il faut être vigilant sur les prix qui ont tendance à flamber. Cela implique de prioriser ses investissements. C’est une des raisons pour lesquelles nous avons mis le diagnostic énergétique de la piscine en tranche conditionnelle.

HA : Quelles difficultés avez-vous rencontrées ?

D.M. : Dans les grandes collectivités comme la nôtre, le lancement d’un tel marché nécessite l’intervention de plusieurs services afin de collecter les informations que sont les cartographies, les données de consommation, d’exploitation et de maintenance. La centralisation fut donc peu évidente et la collecte, plus longue que prévu, aurait nécessité, au préalable, de bien planifier ce travail transversal.

HA : Pensez-vous faire évoluer votre pratique à l’avenir ?

M.H. : Oui. Afin d’être plus réactifs, nous envisageons un changement du mode de passation de ce marché. Dans la mesure où il s’agit d’une prestation renouvelée à plusieurs reprises depuis 2008, un marché à bons de commandes accompagné de marchés subséquents serait plus adapté à nos besoins.


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