Peut-on (encore) faire confiance au Tribunal des conflits ?

Publié le 3 décembre 2014 à 0h00 - par

La fiabilité des solutions arrêtées par le Tribunal des conflits, qui est nécessaire à la confiance qu’il mérite, pourrait être mise en question.

Peut-on (encore) faire confiance au Tribunal des conflits ?

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La difficile question des frontières de compétence

Le Tribunal des conflits est chargé, pour l’essentiel, de régler les questions de compétence juridictionnelle qui, il faut bien le dire, sont parmi les plus difficiles à résoudre. Preuve en est qu’il arrive que les juridictions des deux ordres différents donnent des solutions différentes, et qu’il peut en être de même à l’intérieur d’un même ordre. Le Tribunal des conflits, composé également de membres du Conseil d’État et de la Cour de cassation doit harmoniser les relations entre les deux ordres. Les juridictions suprêmes peuvent également, de leur propre chef, lui renvoyer les questions difficiles.

Il est donc essentiel que les solutions soient fiables et que les décisions soient cohérentes entre elles. De ce point de vue, la confrontation de deux décisions récentes du Tribunal des conflits laisse place au doute. À quelques mois d’intervalle, la juridiction paritaire a dû réaliser le partage dans des litiges contractuels, comportant occupation du domaine public. Les solutions des arrêts du 9 décembre 2013, SARL Sanicorse, n° 3929, et du 17 novembre 2014, CCI de Perpignan et des Pyrénées Orientales, n° 3965, ne paraissent pas parfaitement compatibles.

Une cohérence perfectible

L’arrêt de 2013 devait statuer sur la compétence relative à un contentieux d’un contrat de traitement de déchets hospitaliers. Une cour administrative d’appel avait renvoyé l’affaire dans le cadre d’un conflit négatif qu’elle avait analysé comme opposant un usager d’un service public industriel et commercial et le gestionnaire du service, et devant donc relever de la juridiction de l’ordre judiciaire. Le Tribunal des conflits avait toutefois jugé que, portant occupation du domaine public (ce qui était déjà contestable), il relevait de l’ordre administratif.

L’arrêt de 2014 paraît bien retenir une autre solution qu’en 2013. Il juge en effet que : « les litiges relatifs à la passation et à l’exécution de contrats comportant occupation du domaine public relèvent, en vertu de l’article L. 2331-1 du Code général de la propriété des personnes publiques, de la compétence du juge administratif ; qu’il en va de même des litiges nés des contrats conclus entre un délégataire de service public et un tiers et comportant occupation du domaine public ; que, cependant, les litiges entre le gestionnaire d’un service public industriel et commercial et ses usagers, quand bien même l’activité de ce service a lieu sur le domaine public, relèvent de la compétence des juridictions judiciaires, ces litiges étant par nature détachables de l’occupation domaniale ».

Ainsi, en principe, les contrats portant occupation du domaine public relèvent du juge administratif. Mais il existe une exception lorsque le contrat est conclu entre une personne publique et un usager d’un service public industriel et commercial. Dans ce cas, le litige relève du juge judiciaire, même s’il comporte occupation du domaine public. Cette règle semble avoir été oubliée par les rédacteurs de l’arrêt de 2013.

Laurent Marcovici


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