Peut-on obtenir la suspension de l’exécution d’un marché signé sans tenir compte de l’injonction du juge des référés précontractuels de différer cette signature ?

Publié le 15 novembre 2009 à 0h00 - par

La violation de l’ordonnance de différé de signature rendue par le juge des référés précontractuels porte une atteinte grave et immédiate à un intérêt public de nature à créer, par principe, une situation d’urgence. C’est ce qu’a estimé le Conseil d’État dans un arrêt du 6 mars 2009. Analyse et commentaires d’Olivier Caron et Alexandre Labetoule, avocats.

Peut-on obtenir la suspension de l’exécution d’un marché signé sans tenir compte de l’injonction du juge des référés précontractuels de différer cette signature ?

Faits

L’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille a lancé une procédure d’appel d’offres pour l’achat de réactifs et de consommables de laboratoire avec mise à disposition d’automates de bactériologie. Saisi par l’un des candidats évincés, le juge des référés précontractuels a enjoint à l’établissement public de différer la signature du marché litigieux dans l’attente de sa décision. Le pouvoir adjudicateur a néanmoins signé le marché trois jours plus tard. Ce qui a eu pour effet de rendre incompétent le juge des référés précontractuels. La société évincée a alors présenté une autre requête aux fins d’annulation du contrat, assortie d’un référé-suspension. Considérant que la condition liée à l’urgence exigée par l’article L. 521-1 du Code de justice administrative n’était pas remplie, le juge des référés de première instance a rejeté la demande de suspension. La requérante s’est alors pourvue en Cassation contre cette ordonnance qui a été annulée par le Conseil d’État.

Décision

La violation de l’ordonnance de différé de signature rendue par le juge des référés précontractuels porte une atteinte grave et immédiate à un intérêt public de nature à créer, par principe, une situation d’urgence.

Le conseil de l’avocat

Afin de renverser cette présomption, les pouvoirs adjudicateurs doivent démontrer que la suspension de l’exécution du marché litigieux est de nature à porter une atteinte à un intérêt public. Cette atteinte doit être « encore plus grave et immédiate » que celle résultant de l’illégalité tenant au non respect du caractère exécutoire de la décision de justice ordonnant le différé de signature. La concrétisation de cette démonstration paraît cependant difficile en pratique. Pour mettre définitivement fin à la course à la signature, la jurisprudence commentée mériterait d’être étendue aux hypothèses où le délai de 10 jours à respecter entre la signature du marché et la notification des décisions d’éviction est méconnu.

À cet égard, on observera que l’article L. 551-18 du Code de justice administrative, qui est applicable aux contrats pour lesquels une consultation est engagée à partir du 1er décembre 2009, assimile la violation de ce délai et la suspension induite par l’introduction d’un référé précontractuel pour évoquer les hypothèses où la nullité du contrat doit être prononcée.

Texte de référence : CE, 6 mars 2009, Société Biomérieux, req. n° 324064, publié au Recueil Lebon

Extrait

«… en jugeant que « les circonstances de la signature du marché contesté ne suffisent pas à caractériser l’existence d’une situation d’urgence » sans prendre en compte la méconnaissance par la collectivité publique du caractère exécutoire de l’ordonnance du juge des référés précontractuels et l’atteinte grave et immédiate qu’elle porte à un intérêt public, lesquelles créent, en principe, une situation d’urgence, sous réserve que l’instruction fasse apparaître des éléments précis relatifs aux risques pour la collectivité publique qui résulterait de la suspension du marché, le juge des référés […] a commis une erreur de droit . »

Texte officiel : Code de justice administrative – article L. 521-1.


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Marchés publics »

Voir toutes les ressources numériques Marchés publics