« Les progrès constatés depuis 2010 (…) sont réels » mais « les efforts de modération de la dépense » ont été « moins importants que dans le reste de la zone euro », a souligné le président de la Cour, Didier Migaud, en présentant à la presse le rapport public annuel de l’institution.
« Des efforts accrus de maîtrise des dépenses » seront donc « nécessaires pour que la France soit en situation de stabiliser puis de réduire son niveau de dette », a ajouté l’ancien élu.
Dans le viseur des magistrats financiers : la réduction du déficit public, que le gouvernement entend ramener à 2,7 % du produit intérieur brut (PIB) cette année, après 3,3 % en 2016. Cet objectif « sera très difficile à atteindre », prévient la juridiction financière.
La trajectoire prévue par Bercy, d’après la Cour, s’appuie en effet sur des prévisions de dépenses publiques « probablement sous-estimées, car certaines économies affichées ne pourront pas atteindre les montants attendus », en particulier pour l’assurance-chômage et l’assurance-maladie.
Elle repose par ailleurs sur une hypothèse de croissance « un peu élevée » et des objectifs de recettes fiscales trop « optimistes », selon la Cour.
Le gouvernement prévoit pour 2017 une croissance de 1,5 % du PIB, supérieure de 0,2 point aux prévisions de la Banque de France ou de l’OCDE. Il s’agit là « d’hypothèses solides », s’est défendu Bercy dans un communiqué.
Au-delà de 2017, la Cour des comptes s’interroge sur le rétablissement dans la durée des comptes publics et estime que « le niveau particulièrement élevé des dépenses publiques en France est loin de conduire à des résultats à la hauteur des moyens engagés ».
« Échec », « dérive », « opacité »
Le rapport annuel, articulé autour de 27 thèmes, pour un total de 1 300 pages détaille plusieurs exemples de gestion perfectible – voire défaillante – de l’argent des contribuables.
Les magistrats s’attardent notamment sur l’abandon de l’écotaxe poids lourds, mesure phare du Grenelle de l’Environnement, « un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables ».
Ils s’inquiètent également du manque de contrôle imposé au secteur de la formation professionnelle, pourtant très exposé à la fraude, et des « dérives particulièrement graves » au sein de l’Association des œuvres sociales de la police (Anas), accusée de recrutements « opaques » et d’avantages indus ».
La Cour dénonce aussi des « dérives dans la gestion » et un « contrôle insuffisant » de l’ordre des chirurgiens-dentistes qui, avec les cotisations de ses adhérents aurait acheté des bijoux, des « accessoires de haute couture et des grands vins » pour ses dirigeants et leurs familles.
Autre point noir : les finances du Muséum d’histoire naturelle dans une situation « alarmante » à cause du « montage financier hasardeux » de la rénovation du zoo de Vincennes.
Les Sages de la rue Cambon égratignent aussi l’action de l’Oniam, organisme chargé d’indemniser les victimes d’accidents médicaux, marquée par une gestion « laxiste » et par de « lourdes défaillances ». Des « défaillances » qui ont poussé le ministère de la Santé à en évincer son patron mercredi aussitôt le rapport publié.
Comme chaque année depuis l’arrivée de Didier Migaud à sa tête, la Cour des comptes assortit ces appréciations thématiques d’un droit de suite sur les recommandations des années précédentes.
Seul bon élève cette année : le quai d’Orsay et sa réforme du traitement des demandes de visas à l’étranger. Le nouveau dispositif, marqué par une externalisation des tâches, a permis un « désengorgement des consulats » tout en offrant une solution « économe » pour l’État.
Des cartons orange ou rouge sont à l’inverse adressés à l’accueil et l’accompagnement des gens du voyage, dont les progrès sont jugés « lents » et « inégaux », et à la politique de soutien aux débitants du tabac, « légitime au début des années 2000 » mais aujourd’hui « très contestable ».
par Valentin BONTEMPS
Source : Le rapport public annuel 2017, Cour des comptes, février 2017
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