« Les réductions de dépenses s’ancrent dans la culture »

Publié le 4 avril 2012 à 0h00 - par

Entretien  avec Stéphane Maury, consultant en finances locales, cofondateur du cabinet CPS collectivités et co-auteur de Pratique des finances territoriales.

Weka : Stéphane Maury, quelles sont les implications de la réforme de la fiscalité locale pour les communes et EPCI ?

 

Stéphane Maury : La principale conséquence est l’apparition d’une nouvelle donne fiscale concernant l’imposition des deux grandes catégories de contribuables.

Avant la réforme, le levier fiscal des communes et EPCI était réparti grosso modo à 40 % sur les entreprises (via la taxe professionnelle) et à 60 % sur les ménages (via les trois taxes ménages), et lorsqu’une collectivité voulait augmenter ses ressources, elle pouvait augmenter ces quatre taxes de façon uniforme, voire bénéficier d’une dérogation pour augmenter 1,5 fois plus la taxe professionnelle que les impôts pesant sur les ménages.

Depuis 2010, cette dérogation a été supprimée. De plus, avec la réforme de la TP, l’assiette de la cotisation financière des entreprises (CFE), qui remplace en partie la taxe professionnelle, est passée en moyenne d’une base de 100 à une base de 20.

Or, c’est la seule et unique ressource compensatoire à la suppression de la taxe professionnelle qui pèse sur les entreprises et sur laquelle les collectivités ont un pouvoir de fixation du taux (avec la TASCOM), puisque la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), est fixée à un taux de 1,5 % au niveau national. Les autres mécanismes de compensations sont des dotations de l’État, sur lesquelles les collectivités n’ont donc pas la main mise, et la taxe d’habitation départementale, qui concerne les ménages.

Le pouvoir fiscal sur les entreprises est donc fortement réduit, celui sur les ménages renforcé : si les communes et EPCI veulent accroître leurs ressources, c’est donc sur ces derniers qu’elles vont faire peser cet effort.

Car même si l’État garantit l’équilibre financier des collectivités via des compensations, ça n’est valable qu’à l’instant T. Dans le temps, la réforme fiscale va avoir des effets. Avant, l’effort était réparti entre les deux catégories de contribuables. Aujourd’hui, il pèse principalement sur les ménages, ce qui est électoralement parlant plutôt risqué.

Sachant que les concours financiers de l’État sont figés, les marges de manœuvres des collectivités sont donc contractées, alors que la demande de services publics est toujours présente. L’équation semble donc insoluble, et deux choix s’offrent : réduire les dépenses selon les priorités, ou augmenter les impôts sur les ménages.

Le schéma à l’avenir devrait rassembler les deux, car en plus des nécessités courantes de service public, les collectivités doivent répondre à des obligations impliquant des dépenses lourdes : normes de plus en plus contraignantes concernant l’assainissement, les ordures ménagères, la restauration collective, l’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées, etc.

Il est trop tôt pour tirer un premier bilan, mais l’on peut déjà voir que les réductions de dépenses de fonctionnement commencent à s’ancrer dans la culture des cadres et élus, par la mise en place de contrôle de gestion, par exemple. Signalons enfin que le renforcement de la péréquation (avec la création du FPIC – fonds de péréquation des recettes intercommunales et communales) et les nombreux départs à la retraite des agents territoriaux recrutés dans les années 1980 pourraient procurer à certaines collectivités quelques marges de manœuvres supplémentaires, très appréciables dans le contexte actuel.

Weka : Parallèlement à la réforme fiscale se met en place la réforme territoriale. Quelles en seront les conséquences financières ?

Stéphane Maury : C’est difficile à dire à long terme. Le but recherché, financièrement parlant, est la rationalisation des dépenses publiques, l’idée étant que des grosses structures permettent des économies d’échelle et la mutualisation des services. Dans la pratique, rien n’est moins évident.

Prenons l’exemple de la loi Chevènement de 1999, qui prônait une intégration plus forte, des EPCI plus développés. 10 ans après, il n’y a pas eu de rationalisation au sein du bloc communal, mais un nivellement par le haut des dépenses de fonctionnement comme d’équipement. Ainsi, les dépenses consolidées (communes et EPCI) se sont accrues sur la période, là où on aurait pu observer une augmentation des dépenses des EPCI, compensées à due proportion par une réduction des dépenses des communes.

Une des explications à ce phénomène est que l’intégration de petites communes dans des EPCI a permis d’y amener des services publics dont elles étaient dépourvues, pour un coût marginal certes inférieur à ce qu’il aurait été si ces communes les avaient mis en place seules.

Mais au final, les dépenses se sont tout de même accrues. D’un point de vue comptable, c’est donc un échec, puisque le but était de réduire les dépenses. Mais du point de vue des services publics, la prise en considération des besoins est améliorée. Les fusions d’EPCI prévues par la réforme territoriale devraient suivre la même logique.

Weka : Vous participez à la rédaction de Pratique des finances territoriales, dont la nouvelle version doit paraître prochainement aux Éditions Weka. Quelles réponses apporte-t-il à ces problématiques ?

Stéphane Maury : D’un point de vue général, il s’agit de fiches concrètes, et non de théorie. De l’application concrète et synthétique, ce qui n’est pas si courant que ça. Pour les cadres comme pour les élus, c’est bien plus intéressant que des articles théoriques, généralisateurs.

Ensuite, il y a derrière ce service documentaire un gros effort d’actualisation en temps réel, selon les réformes ou lois de finance. Pratique des finances territoriales reste en permanence au plus près de l’actualité et des problématiques du moment.

Pas seulement par une actualisation de ses fiches, mais par l’ajout de nouvelles fiches lorsque c’est nécessaire, et ce par une équipe composée aussi bien d’experts privés que de cadres territoriaux, s’adressant aux cadres, DGS, directeur financier, élus, surtout au sein des communes et EPCI.

Un outil idéal pour les structures de tailles moyennes ayant besoin d’un guide sur lequel s’appuyer que pour les spécialistes des grandes collectivités cherchant à confirmer leurs connaissances

 

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