Une dizaine de collectivités créent une association contre les emprunts toxiques

Publié le 21 mars 2011 à 0h00 - par

Des crédits pour construire des écoles, des bibliothèques ou des salles de sport municipales en France dont les intérêts sont révisés à la hausse en fonction de parités monétaires différentes entre l’Euro, le Franc Suisse, le Dollar ou le Yen, voire des indices encore plus exotiques, ce sont bien des « emprunts toxiques ». Une dizaine d’élus courageux – après avoir négocié, en vain, avec des établissements bancaires souvent partenaires historiques des collectivités locales – passent désormais à l’attaque. Ils mènent des recours en justice en attendant la possibilité d’une « class action » et étudient la faisabilité d’une enquête parlementaire.

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« Avec de nombreux élus, dont les maires de Saint-Maur-des-Fossés, de Saint-Étienne, d’Asnières-sur-Seine, d’Unieux, de Linguizetta, de Villeneuve-lès-Maguelone, nous avons fondé aujourd’hui à l’Assemblée nationale l’association Acteurs publics contre les emprunts toxiques », a indiqué, ce 8 mars, Claude Bartolone, le président du Conseil général de Seine-Saint-Denis. L’élu local PS et ses courageux confrères de tous bords politiques estiment désormais qu’il faut « que les collectivités et les établissements publics victimes de la dérive folle des produits financiers puissent obtenir justice et […] obliger les banques trop voraces à assumer enfin leurs responsabilités ».

Porté en 2008 à la tête du département souvent présenté comme l’un des plus pauvres de France, Claude Bartolone a découvert, suite à un audit financier, l’ampleur des « emprunts toxiques » contractés par ses prédécesseurs. 97 % de ces prêts départementaux étaient en effet indexés sur des indices « farfelus » : parité euro-dollar ou euro-yen. Même si la toxicité de la dette a été ramenée de « 97 % à 72 % en trois ans », « certains banquiers peu scrupuleux, qui ont abusé de la confiance des élus pour faire des profits aux dépends des contribuables, refusent encore aujourd’hui de revenir sur ces contrats de dupes et ne trouvent rien de mieux que de proposer des pénalités astronomiques en guise de renégociation ». Par exemple, Dexia a réclamé « 33 millions pour renégocier un prêt de 55 millions » tandis qu’un emprunt de la banque Depfa « vient de voir son taux passer de 1,47 % à 24,5 % », précise Claude Bartolone.

Conséquence : le 9 février, le conseil général de Seine-Saint-Denis a assigné en justice trois banques (Calyon, en plus des deux précédemment citées) avec lesquelles des « emprunts toxiques » ont été contractés, afin de faire purement et simplement annuler les contrats qui avaient été signés entre 1997 et 2008 pour un encours de dette de 225,95 millions d’euros.

Dans le courant du même mois, le député-maire UMP de Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), Henri Plagnol a obtenu le feu vert de son conseil municipal pour « porter plainte » contre cinq banques pour des prêts complexes d’un montant de 248 millions d’euros, accordés entre 2001 et 2007 du temps du précédent maire. Ces emprunts contractés auprès de la Caisse d’Épargne, le Crédit Agricole, la Depfa Bank, Dexia et la Société Générale, vont « progressivement voir leur taux se relever, exposant la ville à un risque financier majeur », avait alors déclaré le député-maire.

Et ce n’est pas mieux à Asnières (Hauts-de-Seine) où la ville fait face à une dette de 182 millions dont 91 % d’emprunts toxiques. Ou encore à Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) : 3,8 millions de dette dont 51 % reposant sur des produits financiers toxiques. À Unieux (Loire), la dette pour un emprunt de 4 millions, composée à 40 % d’emprunts toxiques, atteindrait un taux de 12 % contre 3,5 % au départ, à cause de la parité défavorable entre le franc suisse et l’euro. La banque réclame 7 millions d’euros pour transformer l’emprunt en crédit à taux fixe.

Ensemble, nous serons plus forts pour éviter que les citoyens paient les errements d’une économie financière insatiable », est convaincu Claude Bartolone. D’où la création d’ « Acteurs Publics contre les Emprunts Toxiques » qui devrait rassembler davantage de collectivités prochainement et ouvrir son site internet d’information et de mutualisation.

L’association – qui réunit également lors de sa fondation l’adjoint au maire d’Hénin-Beaumont et le député-maire de Trélazé – a par ailleurs demandé à Claude Bartolone et Henri Plagnol d’étudier la faisabilité d’une commission d’enquête parlementaire pluraliste, afin que soient précisément évalués l’encours global de dettes toxiques des collectivités et les bénéfices réalisés par les établissements bancaires, ainsi que la chaîne des responsabilités ayant conduit à cette situation sans précédant.

Alan Kerhel


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