Les nominations de préfets « hors cadre » ne faiblissent pas sous le quinquennat de François Hollande

Publié le 4 mai 2015 à 10h57 - par

Pourtant très critiquée par la Cour des Comptes, cette pratique qui permet notamment d’être bombardé fonctionnaire est utilisée tant par la droite que par la gauche depuis des années.

Philippe WOJAZER / POOL / Copyright © AFP

À deux mois d’intervalle, deux proches conseillers de Manuel Valls ont été nommés préfets « hors cadre ». En février d’abord Sébastien Gros, chef de cabinet du Premier ministre, et mercredi 29 avril un autre de ses fidèles, Christian Gravel, actuellement directeur du Service d’information du gouvernement (SIG). En 2013, c’était Yves Colmou, encore un de ses conseillers, qui avait été nommé préfet « hors cadre ».

« Depuis le début de l’année, on en a 7 ou 8, notamment la cheffe de cabinet de François Hollande, Isabelle Sima (en mars 2015) », explique à l’AFP Jean-Luc Touly, auteur du récent ouvrage « Les recasés de la République » avec Roger Lenglet (Éditions First). « On aurait pu penser qu’avec François Hollande et la République exemplaire cela diminue, mais cela a augmenté », poursuit ce syndicaliste de Veolia, également conseiller régional (ex-EELV).

Cette pratique des préfets « hors cadre », ou plus précisément de la sous-catégorie « PMSP » dans le jargon administratif, c’est-à-dire de « préfet en mission de service public », ne date pas d’hier.

Depuis 1982, un décret permet en effet de nommer quelqu’un qui n’était pas préfet sans l’affecter à un territoire. Un conseiller politique peut ainsi entrer dans la fonction publique et pourra à terme aussi bénéficier aussi d’une retraite de préfet.

Après sa nomination, ce type de préfet doit être titularisé dans les deux ans. Ainsi nommé en 2013, Yves Colmou, a été titularisé le 5 février dernier, selon le Journal officiel. Et les tout derniers nommés du printemps 2015 devront donc être titularisés en avril 2017, quelques jours avant la fin du quinquennat…

Préfets fantômes

François Mitterrand, Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy y ont abondamment eu recours.

Ainsi les socialistes Michel Delebarre ou Michel Vauzelle ont été nommés préfet « hors cadre » par le passé. À droite, Brice Hortefeux en 1995 ou le conseiller de Nicolas Sarkozy Laurent Solly en 2012 sont devenus préfets. « Les recasés de la République » rappelle la nomination en 1986 d’un fidèle chiraquien en la personne de Michel Roussin.

Dénoncée à intervalles réguliers – France Soir évoquait ces « préfets fantômes » dans les années 90 – cette pratique a été récemment condamnée par la Cour des Comptes, qui recommande carrément sa « suppression pure et simple ».

Dans un référé de juillet 2014, elle souligne en effet la « dérive des effectifs de préfets hors cadre » : 44 en 1987, 69 en 2005 et 75 fin 2013. Entre 2005 et 2010, les « PMSP » ont été affectés dans « 33 % des cas à la présidence de la République », « 30 % » à l’Intérieur et « 9 % » auprès du Premier ministre.

Depuis 2011, leur nombre est limité à 10 postes.

À l’occasion de la nomination de Sébastien Gros, Matignon avait relevé qu’il était d’« usage » que le chef de cabinet du Premier ministre soit nommé préfet « si les conditions le permettent et que son parcours le justifie ».

Cet usage pourrait-il disparaître ? Le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, a expliqué aux députés le 27 octobre dernier que « la notion de préfet hors cadre, qui stigmatise à tort certains de ses membres, sera supprimée ». Une réforme est en effet à l’étude mais les détails n’en sont pas connus.

D’où, selon l’UMP et son porte-parole Sébastien Huyghe, cette « précipitation » à nommer des préfets ces derniers temps. Selon lui, cette réforme « s’appliquerait, naturellement, pour l’avenir en allongeant la durée de titularisation pour les préfets et en durcissant les conditions pour être nommé préfet en charge d’une mission de service public ».

 

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