La maîtrise de la masse salariale imposera des sacrifices aux fonctionnaires

Publié le 14 septembre 2015 à 10h42 - par

Selon le dernier rapport de la Cour des comptes remis le 9 septembre et portant sur la masse salariale de l’État, le projet de revalorisation des carrières et des rémunérations des agents publics pourrait coûter de 4,5 à 5 milliards d’euros par an à l’horizon 2020.

La maîtrise de la masse salariale imposera des sacrifices aux fonctionnaires

La masse salariale de l’État représente 120,8 milliards d’euros en 2014, soit 40 % du budget général, dont 81,2 milliards d’euros au titre des rémunérations principales, indemnitaires et accessoires et 39,6 milliards d’euros au titre des cotisations employeur pour le compte d’affectation spéciale pensions. Elle concerne environ 2 millions d’agents. En y ajoutant les deux autres fonctions publiques (Territoriale et Hospitalière) et les agents des organismes publics, soit environ 6 millions d’agents au total, les dépenses de personnel atteignent 278 milliards d’euros en comptabilité nationale en 2014, soit près du quart de la dépense publique et 13 % de la richesse nationale. Le poids de la masse salariale publique dans le produit intérieur brut est plus important en France que dans la plupart des autres pays européens, exception faite des pays scandinaves. La croissance de la masse salariale publique traduit surtout le dynamisme des effectifs des collectivités territoriales et des hôpitaux, et, à l’inverse, le recul des effectifs de l’État (résultant en partie seulement des transferts de compétences au profit des collectivités territoriales).

Des réformes sont nécessaires pour moderniser la gestion des ressources humaines

La gestion de la fonction publique présente des caractéristiques qui ne sont pas adaptées à une gestion dynamique et contribuent à réduire l’attractivité d’un grand nombre de carrières. En particulier, le sommet des grilles est atteint trop rapidement compte tenu du recul de l’âge de la retraite. En conséquence les écarts de rémunérations se sont trop réduits, ce qui peut faire obstacle à l’amélioration de la qualification des agents pour remplir les nouvelles missions dévolues à l’État. Par ailleurs, les grilles ont été construites dans un contexte où l’inflation était beaucoup plus élevée qu’aujourd’hui. Elles confèrent aujourd’hui au GVT un poids relatif très lourd dans la dynamique d’évolution de la masse salariale.

En réponse à la relative rigidité des grilles salariales, les administrations ont mobilisé les outils dont elles disposent : empilement des dispositifs indemnitaires, éléments de paye distincts, augmentation de la part des primes dans la rémunération, recours croissant aux emplois contractuels. Ces mesures ont complexifié la structure des rémunérations et la feuille de paie, entravé la mobilité dans les parcours professionnels et amplifié l’hétérogénéité des régimes indemnitaires.

Par ailleurs, les agents titulaires de la fonction publique sont en moyenne peu mobiles, et quand ils le sont, c’est rarement à l’initiative de l’employeur. Or l’évolution des missions et les restructurations nécessaires de certaines administrations exigent que les agents soient mutés ou changent de fonctions dans l’intérêt du service.

Les obstacles sont encore nombreux (disparités des régimes indemnitaires entre ministères, taux de cotisation aux régimes de retraites différents entre fonctions publiques, insuffisance de la gestion prévisionnelle des effectifs) et les dispositifs d’accompagnement financier existants sont insuffisants pour compenser les dépenses. Des réformes sont de ce fait nécessaires pour moderniser la gestion des ressources humaines dans la fonction publique : financer le desserrement et l’allongement des grilles et la convergence indemnitaire, moduler les primes en fonction de la performance et inciter à la mobilité dans l’intérêt du service.

Le gouvernement a récemment fait des propositions en ce sens aux organisations syndicales dans le cadre du projet de revalorisation des carrières et des rémunérations des agents publics.

De nouveaux leviers d’actions pour maîtriser la masse salariale

Il est indispensable d’identifier de nouveaux leviers d’économies en matière de rémunérations, d’effectifs et de durée du travail. Le principal enjeu portant sur la masse salariale publique est désormais d’identifier les moyens de financer une politique des ressources humaines dynamique dans la fonction publique, tout en respectant les objectifs de maîtrise de la dépense publique que le gouvernement et le Parlement ont fixés. Actuellement, l’effort porte essentiellement sur la politique salariale, avec le gel du point d’indice, et la diminution des enveloppes catégorielles. Ce choix n’apparaît cependant pas tenable sur une longue période, car il risque d’aggraver les disparités et le tassement des grilles.

La Cour des comptes constate que jusqu’à présent, les déterminants individuels de la rémunération que sont certaines primes et indemnités et les règles d’avancement des carrières ont été peu mobilisés pour dégager des économies. En particulier, de nombreuses primes et indemnités restent indexées sur la valeur du point. Pour limiter le coût d’un éventuel dégel futur du point, l’évolution de certaines d’entre elles pourrait être désindexée.

Par ailleurs, le ciblage du minimum de traitement et de la GIPA est en décalage avec les objectifs fixés à ces deux dispositifs. Un meilleur ciblage des dispositifs pourrait conduire à inclure dans la base de calcul de ces deux dispositifs les primes et indemnités récurrentes.

Certains compléments de rémunération, dont la définition est ancienne, l’architecture inadaptée et le coût significatif, pourraient être également rénovés pour mieux répondre à leurs objectifs. Tel est le cas notamment de l’indemnité de résidence versée aux fonctionnaires résidant sur le territoire national et du supplément familial de traitement qui fait double emploi avec la politique familiale de droit commun et pourrait donc être mis en extinction. Enfin, les majorations outre-mer pourraient être réduites pour seulement compenser le différentiel de coût de la vie avec la métropole et mieux tenir compte de la difficulté d’exercice de certaines missions.

Mais malgré cela, les mesures d’économie annoncées dont certaines sont encore imprécises et difficilement chiffrables, seront en toute hypothèse insuffisantes pour compenser totalement le coût des masses salariales. Des marges de financement supplémentaires seront encore nécessaires pour respecter le cadrage budgétaire, au risque peut être d’une rupture du dialogue social.

 

Source : La masse salariale de l’État : enjeux et leviers, Cour des comptes, 9 septembre 2015


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