Quand un des plus vieux cimetières devient un refuge pour oiseaux

Publié le 27 mars 2017 à 6h15 - par

Au cimetière de Loyasse, la ville de Lyon a laissé la nature reprendre ses droits en menant une politique « zéro pesticide », en dépit des réticences culturelles. Un pari qui va lui permettre d’être labellisé refuge pour oiseaux, une première.

Quand un des plus vieux cimetières devient un refuge pour oiseaux

Lundi 27 mars, le conseil municipal devrait valider la création d’un « refuge LPO » (Ligue pour la protection des oiseaux) dans ce cimetière perché à flanc de colline, derrière la basilique de Fourvière, dans un corridor de migration des oiseaux africains.

Loyasse a ouvert en 1807, trois ans après le Père Lachaise. C’est alors la naissance des cimetières communaux, en bordure des villes et dans des endroits balayés par les vents pour les odeurs. Et aujourd’hui, cet écrin de patrimoine funéraire d’un autre âge reprend son visage d’avant-guerre.

Ici, depuis les années 1960 et l’avènement des herbicides de synthèse, « vous n’aviez plus d’herbe, donc, plus d’insectes ! Or la biodiversité s’installe par la chaîne alimentaire : sans pesticides, les insectes reviennent, les fleurs font revenir les pollinisateurs et tout cela donne de la nourriture aux oiseaux qui s’installent ensuite », explique Alain Giordano, adjoint aux espaces verts.

Lyon n’a pas attendu la loi de transition énergétique qui interdit depuis janvier aux communes d’utiliser des pesticides dans les espaces publics. Depuis 2008, la mairie socialiste n’utilise plus de produits phytosanitaires dans ses parcs, démarche qu’elle a ensuite élargie aux cimetières, ce que la loi n’impose toujours pas.

Résultat, on trouve désormais à Loyasse une soixantaine d’espèces, dont 31 d’oiseaux. « Là, vous avez le roitelet triple-bandeau, le deuxième oiseau le plus petit d’Europe ; ici, la pie bavarde et vous entendez, là ? C’est la mésange charbonnière », énumère Fabien Dubois, chargé d’étude biodiversité à la LPO Rhône, jumelles au cou.

« J’ai été surpris aussi de voir en ville des lampyres (vers luisants), la chouette hulotte, de belles colonies de martinets noirs – ils nichent dans les contre-forts – et autant de hérissons », ajoute-t-il.

Des lieux vivants

Pour en arriver là, en plus du « zéro phyto », il a fallu se mettre au fauchage mécanique raisonné et interdire d’utiliser de la javel ou de l’acide pour entretenir les tombes. « Les herbicides ont fait de gros dégâts : sur une parcelle on n’a rien vu pousser, pas un brin d’herbe, pendant cinq à six ans ! », raconte Joseph Giorgis, conservateur du cimetière.

Il a fallu aussi faire beaucoup de pédagogie. Car « dans la tête des gens, les cimetières devaient être un univers uniquement minéral. L’herbe était synonyme de cimetière abandonné », témoigne Jean-Pierre Cornu, directeur des cimetières de la ville.

Pour convaincre, « il faut insister sur les services gratuits rendus par la nature », estime Fabien Dubois : les mésanges mangent les chenilles processionnaires, les hérissons se régalent des limaces et les insectes viennent polliniser les potagers alentour.

La LPO espère bien que Loyasse fasse « boule de neige ». En 2012, un cimetière de la Roche-sur-Yon (Vendée) était déjà devenu « refuge LPO » mais il s’agissait d’un cimetière paysager, sans stèle ni sépulture.

« Ce qui nous intéresse à Lyon, c’est de lutter contre les barrières culturelles, de montrer que la biodiversité peut apporter quelque chose dans un lieu de recueillement », explique Kevin Broquereau, responsable du programme chez LPO France qui compte aujourd’hui plus de 20 000 refuges en France, principalement chez des particuliers.

En signant une convention pour trois ans avec la ville de Lyon, la Ligue espère aller encore plus loin. En plantant par exemple d’autres essences (cerisiers, frênes, sorbiers) car le cyprès, arbre star des cimetières, n’est pas propice à la nidification et acidifie les sols.

Ou en introduisant de la variété dans les haies – pourquoi pas mettre des framboisiers. Après tout, rappelle Jean-Pierre Cornu, les gens venaient bien faucher le foin pour les lapins, à Loyasse, dans les années 30. Alors pourquoi pas y cueillir des fruits ?

 

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