Analyse des spécialistes / Intercommunalité

Retour sur l’inconstitutionnalité de l’intégration d’office d’une commune dans un EPCI

Publié le 24 juillet 2014 à 7h44 - par

Le débat ouvert sur le redécoupage du maillage territorial est l’occasion de revenir sur la décision du Conseil constitutionnel du 25 avril 2014. L’article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales, déclaré contraire à la Constitution par cette décision, permettait au préfet le rattachement autoritaire d’une commune à un EPCI à fiscalité propre. Elle a été déclarée inconstitutionnelle, en raison de l’atteinte, disproportionnée, portée à la libre administration des collectivités territoriales.

Retour sur l'inconstitutionnalité de l'intégration d'office d'une commune dans un EPCI
Jean-Baptiste Dubrulle avocat du cabinet Bignon LebrayJean-Baptiste DUBRULLE

 

1. Un dispositif en faveur d’une rationalisation du niveau intercommunal

La loi de réforme des collectivités territoriales, adoptée le 16 décembre 2010, avait consacré une large partie de ses développements à l’intercommunalité. L’article 38 de la loi créait un article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales, selon lequel à défaut d’accord de l’EPCI, le préfet pouvait décider de mettre en œuvre son projet de périmètre intercommunal. Le préfet disposait ainsi d’une procédure de rattachement d’office d’une commune à un EPCI à fiscalité propre, dans le cas où cette commune n’appartenait à aucun établissement de cette nature, ou constituait, au sein du périmètre de l’EPCI existant, une enclave, ou une discontinuité territoriale.

Le préfet devait alors soumettre pour accord le projet de périmètre à l’organe délibérant de l’EPCI d’accueil et, pour avis, à la commission départementale de coopération intercommunale. En cas de désaccord de l’organe délibérant de l’établissement public, le préfet pouvait alors rattacher la commune conformément à son projet, sauf si la commission départementale se prononçait, à la majorité des deux tiers de ses membres, en faveur d’un autre projet de rattachement à un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre limitrophe de la commune concernée. Dans cette hypothèse, le préfet de département pouvait mettre en œuvre le projet de rattachement proposé par la commission.

Ainsi, depuis le 1er juin 2013, date d’entrée en vigueur du dispositif, les communes isolées ou en discontinuité territoriale, pouvaient être incluses, par simple arrêté préfectoral, au sein d’un EPCI à fiscalité propre.

Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré non conforme à la Constitution ce dispositif d’inclusion d’une commune contre son gré.

2. Un dispositif inconstitutionnel

Le Conseil Constitutionnel devait trancher la question de la conformité de l’article L. 5210-1-2 du Code général des collectivités territoriales, à l’article 72 de la Constitution, selon lequel « dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s’administrent librement par des conseils élus ». Le Conseil constitutionnel a d’abord rappelé que l’article L. 5210-1-2 poursuit un objectif de rationalisation des périmètres des établissements publics de coopération intercommunale.

Rappelant l’objectif, poursuivi par le législateur, d’achever et de rationaliser la carte de l’intercommunalité sous l’égide de l’autorité préfectorale, le Conseil constitutionnel a estimé que le législateur avait, toutefois, omis d’offrir des garanties procédurales de nature à préserver le principe de libre administration des communes.

En effet, le dispositif ne prévoyait pas la consultation, pour accord ou avis, de la commune susceptible d’être intégrée d’office dans l’EPCI. Cette omission est inédite, puisqu’en cas de création, de fusion, de transformation ou de modification d’un périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale, la ou les communes concernées sont consultées.

Le juge constitutionnel censure l’absence de consultation des conseils municipaux des communes intéressées par le rattachement, estimant l’atteinte à la libre administration des communes garantie par l’article 72 de la Constitution, manifestement disproportionnée.

3. Les apports de la décision

La déclaration d’inconstitutionnalité de l’article L. 5210-1-2 prend effet à compter de la date de publication de la décision du Conseil constitutionnel, soit depuis le 27 avril 2014. Cette déclaration d’inconstitutionnalité est applicable aux affaires nouvelles, ainsi qu’aux affaires non jugées définitivement à cette date de publication.

Concrètement, en pratique, cette décision dessine un peu plus les contours du principe de libre administration des collectivités territoriales, face à la montée en puissance de l’échelon intercommunal. Toutefois, si le législateur corrige le dispositif en intégrant une consultation obligatoire des communes, celles-ci ne devraient pouvoir émettre qu’un simple avis ne liant pas l’autorité préfectorale, le préfet pourrait demeurer libre de les intégrer d’office dans le périmètre d’un EPCI.

 

Jean-Baptiste Dubrulle, Avocat spécialiste en Droit Public du cabinet Bignon Lebray

 

Texte de référence : Décision n° 2014-391 du Conseil constitutionnel QPC du 25 avril 2014 Commune de Thonon-les-Bains


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