Écoles proches des attentats : « pas de traumatisme direct », un « sentiment d’insécurité »

Publié le 18 novembre 2015 à 13h39 - par

« Pas de traumatisme direct » détecté parmi des enfants des écoles parisiennes maternelle et élémentaire Parmentier, proches de deux lieux des attentats de vendredi, mais un « sentiment d’insécurité », explique Annick Grégoire, psychologue de la cellule d’urgence de l’Académie de Paris.

attentats et école

QUESTION : Comment avez-vous procédé lundi dans ces écoles voisines du restaurant Le Petit Cambodge et du bar Le Carillon ?

RÉPONSE : « La cellule d’urgence, constituée de moi-même et du médecin de l’école, a eu une première réunion à 07H30 avec les équipes des écoles pour préparer l’accueil des enfants et répondre aux questions des enseignants, un peu inquiets. Ensuite, nous essayons d’évaluer les urgences. Les enseignants ont repéré, parmi les remarques ou les questions des enfants, ceux qui disaient être sur place, habiter à proximité. Ça repose sur leur regard vigilant, il y a des signes qu’ils peuvent observer, comme des enfants particulièrement agités, ou dans une tristesse profonde.

Ensuite, nous avons mis en place soit des entretiens individuels, soit des petits groupes de parole n’excédant pas trois-quatre enfants, en s’assurant qu’ils aient vécu à peu près la même chose.

On est là pour les aider à mettre des mots sur des émotions, et après ce qui peut donner du sens à cet événement, puis trouver des éléments qui les rassurent, comme le plan Vigipirate renforcé ».

Q : Ces enfants ont-ils eu des proches blessés, ont-ils assisté à des scènes violentes ?

R : « Par chance, il n’y a pas de blessés directement dans les familles. Par contre, tous habitent à une extrême proximité de deux attaques. Les enfants que nous avons vus en priorité ont entendu des coups de feu, certains se sont mis à la fenêtre, d’autres sont descendus pour remonter très vite se cacher, ils ont entendu les secours arriver, la police, etc. Un véhicule de police barre la rue juste devant l’école, ils peuvent passer régulièrement devant le Petit Cambodge.

Il n’y a pas de traumatisme direct, pour le moment je n’ai pas vu d’enfant qui dise avoir vu des cadavres. Mais l’émotion est très forte pour certains, qui ont craint pour un parent dehors à ce moment-là. Ce qui émerge le plus, c’est le sentiment d’insécurité, certains disent ne pas avoir eu envie de sortir le week-end. Les parents les ont rassurés pour certains, ont su mettre des mots. Autres émotions, la tristesse et l’incompréhension. La plupart se sentent en sécurité à leur domicile et à l’école, mais ont peur pour leurs parents, leur fratrie. Ils parlent de cauchemars, réveils nocturnes, difficultés d’endormissement, certains de mal au ventre. D’autres ont retrouvé le lit de papa et maman.

Beaucoup peuvent dire aussi tout ce qu’ils ont remarqué en termes de fraternité : les gens portent secours, apportent du sang, les médecins interviennent. Apporter une bougie, un bouquet de fleurs, fait partie de ce qu’ils ressentent comme de la solidarité.

L’essentiel des enfants ont été plutôt protégés par leurs parents, qui ont su leur déconseiller de regarder la télé ou d’écouter la radio, ce qui n’était pas le cas des attentats de janvier ».

Q : Combien de temps dure ce type de cellule ?

R : « Pour le moment, la cellule reste en place mardi, ensuite, on évalue. On peut se déplacer, revenir plus tard. La cellule a comme objectif que les enfants aillent mieux, il y a une immédiateté, mais il faut aussi que l’école retrouve un fonctionnement normal. Or plus on est présent, plus on rappelle aux élèves les événements ».

Propos recueillis par Andrea Graells.

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