Favoriser la mixité sociale à l’école

Publié le 9 novembre 2015 à 14h40 - par

Favoriser la mixité sociale dans les collèges, c’est le vœu du ministère de l’Éducation qui annoncera la semaine prochaine des expérimentations, une approche prudente car tout ce qui touche à la carte scolaire en France suscite immanquablement la polémique.

Mixité sociale à l'école

Pour mesurer le degré de mixité entre des enfants de diverses origines sociales au sein d’un même établissement, les collèges disposent des déclarations des familles lors de l’entrée de l’enfant dans le secondaire. En France, cette ségrégation est « importante » en collège et lycée, bien que l’objectif de mixité sociale soit inscrit dans la loi sur l’école de 2013, révélait en mai une étude de deux chercheurs de l’École d’économie de Paris, Son Thierry Ly et Arnaud Riegert. Une piste évoquée par le ministère est la création de secteurs multi-collèges, accompagnés de critères d’affectation des élèves.

Actuellement, les collégiens sont affectés, par l’académie et le département, dans un établissement donné en fonction de leur adresse. Dans les grandes villes principalement – beaucoup moins en milieu rural -, ce critère se traduit par le regroupement d’enfants d’un même milieu au sein d’un établissement. Et le recours par les mieux informés à des stratégies de contournement de la carte scolaire (choix d’une option qui permet d’aller dans le « bon collège »), et surtout un départ dans le privé.

Pas question cependant de demander à des jeunes de fréquenter un collège à des kilomètres de chez eux pour obtenir une mixité des populations. Le ministère pourrait donc s’orienter vers la création de secteurs multi-collèges : plusieurs établissements pour un secteur donné et des critères (sociaux ?) pour la ventilation des enfants dans ces écoles.

Pour Julien Grenet, chercheur au CNRS et à l’École d’économie de Paris, les logiques « coercitives » sont souvent vouées à l’échec. Il prône la création de « secteurs multi-établissements avec des choix des familles régulés » : les parents émettent des vœux d’affectation au sein des trois ou quatre collèges du secteur, le rectorat distribue les élèves en tenant compte des desiderata et de l’origine sociale des enfants.

Liberté, égalité, fraternité ?

« C’est un système qui laisse aux familles la possibilité d’exprimer des préférences, tout en ayant des critères de priorité bien plus puissants que la carte scolaire pour faire de la mixité sociale« , estime le chercheur. « C’est un outil souple et modulable, qui ne cherche pas à imposer dès demain la même composition sociale dans tous les collèges ». D’autant que la mixité sera limitée par la composition sociale des quartiers. Mais dans les grandes villes, souligne M. Grenet, sont juxtaposés des quartiers dotés de populations très différentes. « On peut réfléchir aux manières de tirer avantage de ce maillage social sur le territoire ».

Mais au fait, est-il souhaitable d’avoir plus de mixité sociale à l’école? La ségrégation sociale est nuisible pour les apprentissages des élèves les plus en difficulté, elle renforce les apprentissages des élèves les plus favorisés et elle est neutre pour les autres, selon la sociologue Nathalie Mons. « En revanche, elle nuit à tous les élèves en termes de cohésion sociale, attitude citoyenne et tolérance. » Le risque est que « les élèves, dans un établissement complètement ségrégué (défavorisé : ndlr) ne se vivent pas comme une composante de la nation. Pour beaucoup de jeunes, il y a un décalage entre les valeurs inscrites au fronton de nos écoles – Liberté, égalité, fraternité –  et la réalité de ce qu’ils vivent », déclare à l’AFP la ministre Najat Vallaud-Belkacem.

Affecter les enfants en fonction de leur origine sociale est loin cependant de faire consensus, à droite notamment. « Je suis contre ce fichage social », assène la députée Annie Genevard, déléguée à l’éducation au sein des Républicains. « C’est une violence faite aux familles. On demande à l’école de résoudre les problèmes de mixité sociale que les politiques de la ville n’ont pas su » démêler, ajoute-t-elle. Et de regretter la suppression des classes bi-langues, prévue par la réforme du collège, qui permettaient, dit-elle, de garder des enfants favorisés dans des établissements situés en zone d’éducation prioritaire.

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