Le mal-logement nuit à la santé

Publié le 9 février 2016 à 17h04 - par

Le 21e rapport de la Fondation Abbé Pierre rend compte des liens entre santé et logement.

DALO

Comme chaque année, le 21e rapport de la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés, dévoilé le 28 janvier, dresse le tableau de bord du mal-logement à partir de chiffres actualisés, notamment grâce à une exploitation inédite de l’enquête Logement 2013 de l’INSEE. Bilan : la France compte, aujourd’hui, 3,8 millions de mal-logés et quelque 15 millions de personnes sont touchées par la crise du logement ! Le rapport montre « la dégradation alarmante de nombreux indicateurs, qu’il s’agisse du nombre de personnes sans domicile, en précarité énergétique, en effort financier excessif ou en hébergement contraint chez des tiers », détaille la Fondation.

Dans son nouveau rapport annuel, la Fondation Abbé Pierre rend compte des liens entre santé et logement. Selon elle, « il ne fait aucun doute que le mal-logement est une question de santé publique ». La France est « malade du mal-logement », résume la Fondation. À bien des égards, la précarité énergétique, l’insalubrité, l’indignité des logements ou l’absence de domicile personnel ont des conséquences très graves sur l’état de santé de centaines de milliers de personnes (maladies respiratoires, allergies, troubles alimentaires, troubles du sommeil, dépression, stress…), énumère la Fondation Abbé Pierre.

Selon l’OFCE, pour les personnes mal logées, le surpeuplement, l’humidité, le bruit augmentent chacun de 40 % le risque pour une personne de se déclarer en mauvaise santé. Ce pourcentage atteint 50 % pour les personnes en situation de précarité énergétique, rapporte la Fondation. De même, il arrive trop souvent que les problèmes de santé aggravent des difficultés de logement, voire même y précipitent les plus fragiles. « Dans les faits, une mauvaise santé est un facteur discriminant pour accéder et se maintenir dans un logement digne », observe la Fondation Abbé Pierre. « Finalement, les carences des politiques de logement et de santé s’alimentent mutuellement et sacrifient les personnes les plus vulnérables, en particulier celles qui souffrent de troubles psychiatriques. » Aujourd’hui, un tiers des personnes à la rue présentent des troubles psychiatriques sévères, alors que 60 000 lits en hôpital spécialisé ont été fermés au cours des dernières décennies, sans alternatives à la hauteur des besoins, note la Fondation.

Malgré leur interdépendance, logement et santé constituent aujourd’hui deux mondes séparés, regrette la Fondation, qui réclame un rapprochement entre les deux secteurs. Pour plaider en ce sens, son 21e rapport annuel documente « le cercle vicieux entre problèmes de santé et de logement ». Ainsi, nettement plus courte que celle de la population générale, l’espérance de vie des personnes à la rue constitue, « de toute évidence », le premier indicateur d’une santé dégradée. Le Collectif des Morts de la Rue indique que la moyenne d’âge au décès est de 49 ans chez les personnes sans domicile. Pour mémoire, ce collectif a comptabilisé le décès de 498 personnes sans domicile en 2014. Un chiffre sans doute très inférieur à la réalité, comme l’a montré une étude épidémiologique récente, qui estime le nombre de morts de la rue à au moins 2 000 par an, pointe la Fondation. Les bidonvilles, quant à eux, situés aux marges de la ville, présentent souvent des risques sanitaires du fait de leur localisation et de la précarité des conditions de vie. La mortalité néonatale y serait huit fois supérieure à la moyenne française et l’espérance de vie s’y établirait entre 50 et 60 ans.

Si l’absence de logement est évidemment dangereuse pour la santé, « vivre dans un logement dégradé peut l’être aussi », rappelle la Fondation Abbé Pierre. L’habitat indigne est ainsi à l’origine de nombreux troubles sur le plan sanitaire, les principaux risques étant les intoxications (plomb, monoxyde de carbone, radon…) et les pathologies allergiques ou respiratoires. Selon le rapport, l’habitat indigne a aussi des conséquences sur le plan social et psychique : dégradation de l’image de soi – liée à la dévalorisation du patrimoine et à la remise en cause du sentiment de sécurité dans le logement – et repli sur soi du ménage, avec le développement d’un sentiment de « honte », qui concerne aussi bien les adultes que les enfants. Maladie emblématique du mal-logement, le saturnisme est, heureusement, en recul. Problème moins dramatique mais bien plus répandu, la qualité de l’air intérieur est dégradée dans les logements trop humides, avec pour conséquences de l’asthme ou des symptômes respiratoires.

Quant à la précarité énergétique, la Fondation Abbé Pierre a initié une étude sur ses impacts sanitaires, qui a confirmé la perception plus forte d’une santé dégradée par les personnes qui y sont exposées, une fréquence accrue de pathologies chroniques (bronchites, arthrose, anxiété, dépression, maux de tête…) et aiguës (rhumes, angines, grippe, diarrhées…), ainsi que des symptômes associés (sifflements respiratoires, crises d’asthme, rhumes des foins, irritations oculaires…). En 2013, d’après l’INSEE, près de 4,8 millions de ménages, soit un peu plus de 11 millions de personnes, se sont plaints d’avoir eu froid !

Pour en savoir plus : Télécharger le 21e rapport de la Fondation Abbé Pierre