« L’offre de logements n’est pas adaptée aux conditions financières des familles »

Publié le 29 mars 2017 à 4h15 - par

Pour René Dutrey, secrétaire général du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, même si la réponse jurisprudentielle du droit opposable au logement est décevante, la loi a le mérite d’exister. Entretien.

« L'offre de logements n’est pas adaptée aux conditions financières des familles »
René Dutrey, secrétaire général du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées
 René Dutrey, secrétaire général du HCLPD

WEKA : Le mal-logement progresse ces dernières années. Peut-on en déduire que le Dalo est un échec ?

René Dutrey : Depuis dix ans, c’est un échec pour les 57 000 requérants qui n’ont pas trouvé de logement ; mais il s’agit d’une réussite pour les 102 000 ménages qui ont été relogés. En mars 2007, lorsque la loi était en débat, tout le monde se posait la question suivante : faut-il d’abord construire plus de logements sociaux avant de faire entrer dans le droit français le principe d’opposabilité au logement ou doit-on prendre le chemin inverse, en rendant ce droit opposable pour exercer une pression sur les pouvoirs publics ?

Le choix de légiférer sur le droit opposable au logement a permis de rendre visible une population qui ne l’était pas. La loi a entraîné la création de nouveaux services de l’État et la reconstitution du contingent préfectoral en lien avec les bailleurs sociaux, contingent qui, jusqu’alors, était plutôt dispersé. Elle impose aussi 25 % des logements d’Action Logement pour les prioritaires Dalo. Bien sûr, le chemin vers une situation idéale est encore long. Mais, en repositionnant l’État comme le garant du droit au logement, en plaçant Action Logement devant ses responsabilités, nous avons inversé le processus de responsabilisation : l’État a été condamné plus de 30 000 fois depuis 2007 ! Certes, ces décisions s’apparentent à des auto-condamnations, l’État se versant une amende alimentant un Fonds national d’accompagnement vers le logement. Mais le deuxième recours des prioritaires Dalo en situation d’échec, dit recours indemnitaire, est en augmentation : 700 en 2014, 1 300 en 2015. Et là, l’État verse directement des dommages et intérêts aux plaignants qui oscillent de 2 000 à 10 000 euros par famille.

WEKA : Sur les dix dernières années, l’ambition de produire 150 000 logements sociaux par an a échoué. Or, les objectifs triennaux de la loi SRU sont atteints, voire dépassés. Comment expliquer ce décalage ?

René Dutrey : Aujourd’hui, l’offre de logements sociaux n’est pas adaptée aux capacités financières des familles pour la simple raison qu’en zones urbaines tendues, le prix du foncier est élevé et le niveau de loyers de sortie des logements sociaux au-dessus des revenus des ménages les plus fragiles. 10 000 logements Plai (Prêt locatif aidé d’intégration, destiné aux ménages les plus démunis) devaient être construits dans le cadre pluriannuel du Plan pauvreté voté en 2013, l’objectif n’a pas été atteint. Pourtant, 74 % des dossiers de demande de logement social relèvent de cette catégorie !

WEKA : La loi Égalité et Citoyenneté, prévoyant que les communes attribuent réellement le quart de leurs logements sociaux aux « Dalo », peut-elle constituer un tournant ?

René Dutrey : Il faut d’abord citer les bons élèves, comme Paris Habitat, dont 24 % du parc sont orientés vers les prioritaires Dalo parce que mairie de Paris a fait ce choix. Mais dans de nombreuses communes, les 25 % sont rarement atteints parce que les bailleurs sociaux sont soumis à des exigences de gestion et veulent limiter le risque des impayés. Il faut insister sur le caractère ‘social’ du bailleur social ! Aucune statistique ne met en évidence le fait que les prioritaires Dalo paient moins bien leur loyer que les autres locataires.

WEKA : Les bailleurs les plus rétifs sont-ils condamnés et comment ?

René Dutrey : Dans les départements où les bailleurs sont les moins généreux, l’État dispose de tous les moyens législatifs pour leur imposer un ménage Dalo. Mais toutes les préfectures n’ont pas mené à bien le chantier de la reconstitution de leur contingent. La loi est pourtant claire : 25 % du parc social sont attribués par l’État. Or, l’Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social) ne cesse d’alerter sur des cas où les maires gardent jalousement la main sur leurs logements sociaux. Ce n’est pas de cette manière que l’on combattra efficacement contre le mal-logement.

Stéphane Menu


On vous accompagne

Retrouvez les dernières fiches sur la thématique « Action sociale »

Voir toutes les ressources numériques Action sociale