Conditionner le RSA à des heures de bénévolat : est-ce possible, réalisable et efficace ?

Publié le 9 février 2016 à 14h20 - par

Le département du Haut-Rhin a décidé de conditionner le RSA à des heures de bénévolat : cette initiative est-elle juridiquement possible, concrètement réalisable et efficace pour une réinsertion dans l’emploi ?

RSA

Qu’est-ce que le RSA ?

Créé le 1er juin 2009, le Revenu de solidarité active (RSA) « socle » a remplacé le Revenu minimum d’insertion (RMI) pour les personnes sans ressources de plus de 25 ans, françaises ou étrangères titulaires d’un droit de séjour, d’une carte de résident, ayant statut de réfugié ou reconnues apatrides.

Une personne seule sans enfant touche 524 euros par mois. Fin septembre 2015, 1,9 million de foyers en étaient bénéficiaires (dont 1,7 million en France métropolitaine), une hausse de 3 % en un an. Cette prestation est « un droit » pour les personnes éligibles, qui ont aussi des « devoirs », soulignait lundi la ministre des Affaires sociales Marisol Touraine. Parmi les obligations du bénéficiaire : rechercher un emploi, ou entreprendre des démarches pour créer une entreprise, ou suivre les actions d’insertion prescrites. L’allocataire ne peut pas refuser plus de « deux offres raisonnables d’emploi ». En cas de non-respect, le versement du RSA peut être suspendu.

Le comité national d’évaluation estimait en décembre 2011 qu’un tiers (35 %) des personnes éligibles ne le demandaient pas, par méconnaissance du dispositif ou crainte de stigmatisation.

Le Haut-Rhin peut-il juridiquement conditionner son versement à 7 heures de bénévolat par semaine ?

« Impossible », selon Marisol Touraine, car « ce droit est défini nationalement » et une collectivité se mettrait dans l’illégalité en modifiant de son propre chef les conditions d’attribution. La Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale (Fnars), présidée par Louis Gallois, « étudie avec les acteurs locaux la possibilité d’un recours en annulation ».

Pour Michel Abhervé, professeur associé à l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée, la décision du Haut-Rhin « pose au moins deux problèmes » : « l’un de droit instaurant le travail gratuit, interdit par les conventions internationales dont la France est signataire, l’autre de dévoiement de ce qu’est le bénévolat, par nature ».

Au sein de l’Assemblée des départements de France (ADF), les 33 présidents de conseils départementaux de gauche soulignent qu’une telle initiative, « inacceptable », serait « à l’origine d’une inégalité territoriale et républicaine contraire aux principes qui conduisent notre République décentralisée depuis 1982 ».

Au-delà du droit, est-ce concrètement réalisable?

« 28 heures par mois, c’est totalement irréaliste sur le plan logistique pour les organisations qui devraient accueillir ces travailleurs bénévoles », estime l’association ATD Quart Monde. « Certains allocataires ont des difficultés de santé, de mobilité, de logement ou de garde d’enfant qui freine le retour à l’activité », souligne la Fnars, qui fédère 900 associations d’insertion et les a appelées à « refuser toute embauche de bénévoles sous la contrainte ».

Une telle mesure pourrait-elle être efficace pour une réinsertion dans l’emploi ?

Éric Straumann (Les Républicains), président du département du Haut-Rhin, espère « mettre le pied à l’étrier » des bénéficiaires du RSA, « pour qu’ils se resocialisent et sortent de l’isolement ». Parmi ses soutiens figure Laurent Wauquiez (LR) qui en 2011, alors ministre, avait préconisé de demander cinq heures hebdomadaires de service social, non rémunéré, aux bénéficiaires du RSA.

Face au tollé, le gouvernement Fillon avait préféré expérimenter dans 12 départements un « contrat de 7 heures » fondé sur le volontariat, mais payé au Smic. La gauche avait abandonné l’expérimentation en 2012, faisant valoir que seulement 634 contrats avaient été signés contre 10 000 visés.

Dans quel contexte cette proposition est-elle faite ?

Confrontés à une hausse de leurs dépenses sociales, les départements réclament une réorganisation du financement du RSA, avec éventuellement un retour sous la responsabilité de l’État. Actuellement, le RSA est financé à hauteur d’un tiers par les départements, et deux tiers par l’État (90 % à sa création en 2009).

Des discussions État/départements ont été entamées mi-2015 et une décision sera prise, selon Manuel Valls, « à la fin du premier trimestre 2016 ». C’est aussi la date-butoir pour le vote du budget des départements.

« Il ne faut pas que les personnes défavorisées soient prises en otage » dans ce débat, estime Louis Gallois.

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