L’absentéisme des agents territoriaux, une réalité très diverse qui interroge les pratiques d’encadrement

Publié le 6 septembre 2017 à 14h02 - par

L’absentéisme des agents territoriaux, en recrudescence depuis des années, recouvre des réalités très diverses qui interrogent avant tout les pratiques d’encadrement, estiment des responsables de collectivités, plutôt réservés sur l’utilité de rétablir un jour de carence.

L'absentéisme des agents territoriaux, une réalité très diverse qui interroge les pratiques d'encadrement

Le baromètre de l’association des DRH des grandes collectivités, lancé en 2015 pour tenter d’évaluer plus précisément ce taux d’absence, l’a estimé à 8,2 % pour 2016 (7,8 % en 2015), quasiment le double du secteur privé. Le courtier en assurance Sofaxis, auteur d’une enquête annuelle, relevait l’an dernier une augmentation des absences de 26 % depuis 2007.

Plusieurs DRH de grandes collectivités, interrogés par l’AFP, pointent « une hausse des arrêts pour maladie ordinaire, de courte durée, à répétition ». Ils représentent un coût moyen de 1 150 euros par agent selon Sofaxis. Autre tendance : une « recrudescence des maladies professionnelles ».

En cause notamment, le vieillissement des agents (moyenne d’âge de 44 ans) et la pénibilité de certains métiers. Écoles, crèches, aide à la personne, collecte des déchets… : dans la territoriale, les agents de catégorie C (la plus modeste) exerçant des métiers pénibles, peu qualifiés, représentent environ 70 % des effectifs.

« Six agents sur dix sont absents au moins une fois par an et trois quarts des arrêts sont inférieurs à neuf jours », pour « des raisons objectives de santé, liées aux épidémies de grippe, de gastro, mais aussi à la pénibilité physique du travail dans les filières techniques et d’aide à la personne notamment », résume Antoine Durand, directeur des ressources humaines à la ville de Rouen qui compte 1 800 agents.

« Les absences de complaisance existent », reconnaît Johan Theuret, président de l’association des DRH des grandes collectivités, « mais nombre d’agents subissent une vraie pression, en particulier dans les métiers en relation directe avec le public : la police, l’éducation et le secteur social ».

Pour lutter contre « l’absentéisme compressible », Rouen a mis en place un diagnostic tri-annuel afin d’analyser chaque situation et d’apporter « une aide concrète » aux agents. L’installation de nouvelles tables à langer ergonomiques a par exemple permis de diminuer la pénibilité des auxiliaires de puériculture.

À Aix-en-Provence, où le taux d’absence (7 %) est légèrement inférieur à la moyenne nationale en dépit d’un âge moyen de ses 2 300 agents de 47 ans, plusieurs ont bénéficié d’« une formation sur les postures et les gestes » qui a porté ses fruits. Des chariots en aluminium plus légers ont également été attribués à ceux de la voirie chargés de collecter certains déchets, explique Sonia Pavic, directrice adjointe des ressources humaines.

Sanction

« On doit tenir compte du contexte, ce qui suppose parfois de redéfinir nos manières de faire » et de « savoir s’émanciper des contraintes administratives », souligne M. Durand.

Pour Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux et président du Conseil supérieur de la Fonction publique territoriale, « la seule façon » de lutter contre les absences abusives « c’est de créer les conditions de travail adéquates : une hiérarchie à l’écoute, du bon matériel, un outil de travail adapté et de la formation continue ».

Plutôt que de continuer « jusqu’à l’usure », certains devraient aussi « pouvoir changer de métier », ajoute M. Laurent, auteur d’un rapport sur le temps de travail des fonctionnaires qui épingle un système de management déficient.

M. Durand explique que pour réorganiser le service de l’état-civil et l’accueil, Rouen a choisi d’accompagner individuellement ses agents, aussi bien en termes de formation que d’équipement. Mais il prône aussi « la sanction en cas d’abus, trop peu utilisée alors que le statut le permet ».

Pour faire baisser les absences, le gouvernement table sur le retour du jour de carence (arrêt maladie rémunéré à partir du deuxième jour d’absence) dans la Fonction publique, déjà mis en place de 2012 à 2014.

« Une mesure symbolique et idéologique », dit un responsable RH du Mans, tout en reconnaissant qu’il a « plutôt » réduit « les petits arrêts qui polluent le quotidien ».

M. Theuret y est « favorable » en tant qu’« outil de responsabilisation individuelle », mais les arrêts pour congé maternité et hospitalisation devraient en être exclus, estime-t-il.

À Aix-en-Provence, le jour de carence « n’a pas eu d’effet significatif », dit Mme Pavic, pour qui « l’absentéisme n’est pas une fatalité ni un tabou » mais « un indicateur de mal-être ».

Sandra LACUT

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