« Le digital permet aux DRH de se concentrer sur l’humain »

Publié le 15 mars 2017 à 13h48 - par

Le digital révolutionne le processus RH dans le secteur privé. Mais le secteur public reste à la traîne et hésite. Pourquoi ? Réponses avec Franck Confino, consultant en numérique pour le secteur public.

« Le digital permet aux DRH de se concentrer sur l'humain »

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Emploi, carrière et évolutions RH dans le secteur public
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Franck Confino
     Franck Confino

WEKA : Alors que le digital a profondément modifié les processus RH du secteur privé, les fonctions publiques n’ont-elles pas pris un véritable retard et si oui pourquoi ?

Franck Confino : La gestion des ressources humaines dans le secteur privé a connu une véritable évolution de ses méthodes ces dernières années, dont le recul permet de dire aujourd’hui qu’elles ont fait la preuve de leur efficience. Le digital a en effet permis d’accélérer un phénomène dont il n’est pas l’unique raison : il s’agit surtout de passer d’un modèle – typiquement français – qui se concentre uniquement sur le diplôme et l’expérience, à une philosophie – plus anglo-saxonne – basée sur les compétences. Par exemple, la méthode Lominger, actuellement en place chez Apple ou Google, est le fruit d’une longue étude sociologique menée par deux Américains au sein des plus grandes entreprises, qui permet aux DRH d’identifier si une compétence est maitrisée ou non par chaque employé ou manager. Son intérêt n’est plus à démontrer.

Si la fonction publique passe complètement à côté de ces « évolutions », c’est parce qu’elles ne sont pas possibles sans une véritable « révolution » de tout son système RH. Ces nouveaux processus se heurtent frontalement à tout un système, entièrement fondé sur des concours et des grades, qui ne tiennent pas compte de spécificités propres aux services ni métiers. Les contraintes ne sont donc pas tant budgétaires, que réglementaires : son statut fige actuellement la fonction publique dans le carcan de ses process, à l’heure où les  entreprises passent avec agilité des réseaux sociaux internes au Big Data RH. Rien ne pourrait donc se faire sans une profonde réforme du statut, de la culture et des méthodes. Est-elle souhaitable et souhaitée ? C’est un autre débat…

WEKA : Ne serait-ce pas l’occasion pour les DRH de mettre en place des solutions pour la gestion des compétences et la formation de collaborateurs qui sont en majorité amenés à rester toute leur carrière dans la fonction publique, mais aussi pour intégrer des compétences qui n’existent pas encore au sein du service public ?

Franck Confino : Les outils digitaux permettent de mieux identifier ces compétences donc à la fois de mieux stimuler les agents, mais aussi les valoriser, les former et leur permettre de recevoir la contrepartie de ce qu’ils donnent dans leur travail. Les réseaux sociaux internes, qui équipent en 2017 90 % des entreprises du CAC 40, et seulement 13 % des collectivités permettent justement d’identifier ces compétences au-delà des traditionnelles « fiches de poste » et de réaliser toutes ces potentialités… Avec une exploitation rationnelle de ces données rendue possible grâce au Big data RH, cela permet de nouveaux filtres et surtout un gain de temps non seulement en termes de recrutement, dans la phase de sélection des candidats, mais également et surtout pour aider à retenir ou à développer les compétences internes. Grâce à sa modélisation prédictive, le Big data permet ainsi, par exemple, d’intervenir avant une démission (ou dépression) d’un agent, ou de déterminer lesquels seraient capables d’évoluer et vers quels types de poste.

WEKA : Les outils digitaux étant un puissant facteur de rationalisation et d’automatisation des tâches répétitives, n’est-ce pas l’occasion pour les DRH de se concentrer sur un rôle plus stratégique ?

Franck Confino : Dans cette transformation numérique nécessaire, qui semble encore lointaine et pourtant inéluctable à moyen ou long terme pour la fonction publique, le métier de DRH devient éminemment plus stratégique. Son évolution est comparable au « directeur informatique » devenu « directeur des systèmes d’information ». Traditionnellement, le recrutement et l’administration du personnel étaient les fonctions prépondérantes des ressources humaines. Grâce aux outils digitaux qui automatisent un maximum de tâches, comme par exemple les congés, le DRH peut se concentrer sur l’humain, l’évolution des métiers, et gérer de nouveaux enjeux, encore souvent Ovnis voire mal vus dans la fonction publique, comme l’amélioration de la performance ou le bonheur au travail. Il intervient désormais au cœur de la stratégie globale de la collectivité et ses fonctions s’en trouvent valorisées.

 

Propos recueillis par Hugues Perinel, Réseau Service Public