Quelle place pour l’externalisation ?

Publié le 22 juillet 2011 à 0h00 - par

Alors qu’une étude menée par Logica et Pierre Audoin Consultants met en relief la méfiance des fonctionnaires vis-à-vis de l’externalisation vers le privé de missions de service public, le ministère du Budget s’intéresse de près aux avantages et inconvénients de cette pratique.

Quelle place pour l’externalisation ?

Logica et PAC ont récemment mené une étude dans six pays européens, dont la France, sur l’évolution de leurs administrations. Entre autres conclusions, on apprend que l’externalisation, qui consiste à faire appel à des opérateurs privés comme substituts ou compléments aux services publics, est très populaire parmi ces pays, mais non en France :

« L’exception française est la plus emblématique lorsque la sous-traitance au secteur privé est abordée. Interrogés sur le futur des services publics et le recours aux partenariats privés, les réponses des agents de l’administration en Europe sont plutôt positives (86% estimant que leur expérience de recours au secteur privé était un succès). Seule la France se distingue, les personnes interrogées étant bien moins nombreuses que dans le reste de l’Europe à considérer comme un succès le partenariat avec le privé (62% pour la France contre 92% pour l’Angleterre et 89% pour la Finlande par exemple) » résume le communiqué de presse de Logica.

Moins populaire, l’externalisation est aussi, selon cette étude, moins pratiquée en France qu’ailleurs :

« Le recours au secteur privé reste plus rare en France que dans les autres pays d’Europe que nous avons interrogés. Globalement, les acteurs du service public comprennent bien les atouts que le secteur privé peut apporter, mais on note une certaine défiance face aux conditions de mise en œuvre : certains craignent que cela revienne plus cher au final, d’autres que la qualité du service public s’en ressente. Les collectivités locales recourent toutefois plus facilement au secteur privé et leur expérience en la matière est plutôt positive », d’après Olivier Rafal, directeur de recherches chez PAC.

Dernier exemple en date de la méfiance française à l’égard des externalisations : le rapport d’information déposé par les députés Louis Giscard d’Estaing et Bernard Cazeneuve début juillet au bureau de l’Assemblée nationale, réalisé par la commission des Finances en conclusion des travaux de la Mission d’évaluation et de contrôle (MEC) sur les externalisations en matière de défense.
Celui-ci met le doigt sur les inconvénients du recours au privé dans ce domaine, et notamment concernant les coûts qu’il implique.

Ainsi le rapport s’appuie sur les conclusions de la Cour des comptes, pour qui les gains économiques de l’externalisation sont difficiles à apprécier, et donc le risque de dérives bien réel. « Le ministère de la Défense ne doit en aucun cas recourir aux externalisations pour satisfaire à court terme un besoin de trésorerie » conclut donc sur ce chapitre le rapport des députés.

Autre écueil : les critiques des syndicats, pour qui « lorsque l’administration consulte les organisations syndicales, elle ne tient ensuite aucun compte des arguments développés, dès lors qu’ils ne vont pas dans le sens de la volonté d’externaliser à tout prix ».
Le rapport note d’ailleurs que la grande muette porte bien son nom lorsqu’il s’agit d’informer ses effectifs sur les conséquences des externalisations en termes d’emploi. « L’information semble distillée avec parcimonie, l’impact en terme d’emplois ne semblant pas divulgué ». Une ambiguïté dont les députés n’ont pas su démêler le vrai du faux, à l’instar des magistrats de la Cour des comptes. « Le ministère de la Défense doit lever toute ambiguïté statistique et indiquer clairement combien de postes sont concernés par les externalisations et si ces postes viennent, comme le pense la mission, en sus des 54 000 suppressions annoncées dans le cadre des restructurations » conclut le rapport sur cet autre chapitre. Les avantages des externalisations, pratique en vogue, semblent donc peu évidents, et compte-tenu des conséquences potentiels sur les effectifs publics de celles-ci, elles suscitent un certain nombre d’incertitudes, voire d’inquiétudes, sur l’évolution des effectifs des ministères concernés.

C’est dans ce contexte que le ministère du budget a entrepris de recenser de façon exhaustive les externalisations pratiquées par l’ensemble des administrations – hors partenariats – selon un document que s’est procuré Acteurs publics. Il s’agit d’une lettre émanant du dit ministère à destination de la Mission d’évaluation des politiques publiques, dans lequel le premier demande à la seconde d’ « élaborer, dans un premier temps, une cartographie des externalisations conduites dans les ministères et leurs opérateurs (…) ainsi que sur les impacts de ces externalisations (y compris budgétaires). »

De là, la mission d’évaluation devra « catégoriser les typologies d’activités qui sont externalisées et identifier les cas d’externalisation qui sont réplicables dès lors qu’ils portent sur des activités communes aux ministères ». L’un des objectifs de ce travail est donc, à terme, de mutualiser les externalisations, et donc d’en réduire les coûts, plus que de remettre cette pratique en cause. La première étape étant, après recensement, d’en déterminer les réels avantages, les inconvénients à éviter, et les conditions de mise en place.


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