Recruter avec des outils numériques sans discriminer

Publié le 29 décembre 2015 à 7h00 - par

L’usage des outils numériques s’est considérablement développé dans les procédures de recrutement mises en œuvre par les employeurs publics locaux. Les managers publics qui y recourent doivent cependant veiller à la bonne application des principes juridiques qui encadrent les recrutements.

Recruter avec des outils numériques sans discriminer

Introduits dans une logique de professionnalisation des ressources humaines, les outils numériques ont fortement modifié les pratiques de recrutement. Les employeurs publics locaux considèrent aujourd’hui le recours à ces « nouvelles » technologies de l’information et de la communication (TIC) comme une réelle opportunité, car elles permettent une plus large diffusion et une meilleure accessibilité de l’offre et de la demande d’emploi disponibles. Côté candidats, la recherche d’offres sur les sites internet est de plus en plus un réflexe, sinon une nécessité. Pour les cadres, il est aujourd’hui impensable de ne pas disposer d’un profil sur les réseaux sociaux professionnels. Côté recruteurs, la vérification sur internet des informations fournies par un candidat est devenue une pratique courante.

Un employeur public est juridiquement responsable de l’usage qu’il fait des TIC

Un employeur n’a pas le droit de demander aux candidats à un emploi des informations sans lien direct avec le poste à pourvoir. Les méthodes de recrutement utilisées doivent être pertinentes et portées à la connaissance des candidats. Ainsi, bien qu’il s’agisse d’une pratique très répandue, la vérification du profil d’un candidat via les réseaux sociaux personnels et la collecte de données personnelles à son insu sont interdites. La protection au droit à la vie privée prévu par l’article L. 1221-6 à L. 1221-9 du Code du travail doit être respectée.

La procédure de recrutement, qu’elle soit ou non dématérialisée, doit être objective, traçable et transparente. Un système de recrutement caractérisé par un manque de transparence fait naître une présomption de discrimination qui impose au recruteur de prouver que sa pratique n’est pas discriminatoire (art. L. 1132-1 et suivants du Code du travail, art. 225-1 et suivants du Code pénal). La discrimination consiste à traiter différemment un candidat sur la base d’un ou plusieurs critères de discrimination prohibés par la loi (origine, lieu de résidence, âge, sexe, handicap…). Par conséquent, la recherche (« sourcing ») et la sélection de candidats fondées sur un critère discriminatoire sont interdites et sanctionnées.

Les données collectées auprès des candidats, ainsi que les informations renseignées dans les « zones de texte libre » (par exemple, à l’issue d’un entretien avec le recruteur) doivent, comme toute donnée à caractère personnel enregistrée dans un fichier, être pertinentes, adéquates et non excessives au regard de la finalité du traitement. Les candidats à l’emploi disposent d’un droit d’accès et de rectification des données qui les concernent et d’un droit d’opposition à ce que leurs données figurent dans un fichier. Le responsable du fichier doit permettre aux personnes concernées par les informations qu’il détient d’exercer pleinement leurs droits par une mention d’information (Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés). La Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) veille au respect de ces principes.

La nécessité de sécuriser les pratiques

Les acteurs en charge du recrutement ne font pas suffisamment le lien entre l’usage des outils numériques et les risques discriminatoires qui en découlent. Ils se sentent juridiquement sécurisés par le recours à un outil numérique. Or deux situations sont susceptibles de générer des discriminations.

La première est liée à la fracture numérique : les outils numériques présentent une ergonomie complexe et proposent des paramètres d’utilisation et de confidentialité mal maîtrisés par les personnes peu formées aux TIC.

La deuxième est liée à une visibilité non maîtrisée des données personnelles mises à disposition sur internet, voire à une surexposition de la vie privée, rendant accessibles des informations personnelles non pertinentes (photos, opinions politiques, convictions religieuses, orientation sexuelle, mœurs…), qui, en fonction des stéréotypes et préjugés du recruteur, peuvent nuire aux candidats ou, inversement, les favoriser.  Il est ainsi nécessaire d’inciter les candidats à utiliser les sites d’e-recrutement spécialisés et les accompagner dans cette démarche. Il faut aussi les informer sur les risques discriminatoires liés à l’usage des données personnelles visibles par les recruteurs sur les réseaux sociaux (notamment personnels) et les sites d’e-recrutement.

La nécessité de mettre en cohérence les données fournies sur les sites d’e-recrutement (espace personnel, profil candidat, pièces jointes…) ne devra également pas être négligée. Les informations transférées ou visibles par les employeurs lorsqu’une personne postule, ainsi que le lieu où sont stockées leurs données, devront être affichées clairement. Les candidats inscrits sur les sites d’e-recrutement devront être alertés régulièrement sur l’état de leur compte ainsi que sur la conservation et la visibilité de leurs données par les recruteurs.

La recherche et l’identification de profils de candidats le plus en adéquation avec les besoins d’un employeur public par l’intermédiaire des TIC ne doit pas toutefois faire oublier la fracture numérique, qui affecte les chances de ceux, qui n’ont pas accès ou pas la maîtrise de ces outils, et qui sont déjà parmi les plus vulnérables pour (re) trouver un emploi. Il est du rôle des employeurs publics d’en tenir compte.

 

Source : Recruter avec des outils numériques sans discriminer, Guide pratique pour les professionnels du recrutement, Défenseur des Droits, 2015


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