L’unicité du décompte ne se relève pas d’office

Publié le 25 novembre 2014 à 0h00 - par

L’unicité du décompte n’est pas un principe, mais découle de la volonté des parties. 

Qu’est-ce qu’un moyen d’ordre public ?

En principe, le procès est la chose des parties. Chacune défend son point de vue avec les arguments qu’elle entend avancer, et le juge est chargé de départager ces points de vue. Mais cette optique « accusatoire », doit se marier avec le caractère « inquisitoire » de la procédure administrative contentieuse. Le juge, en effet, et singulièrement le juge administratif demeure maître de l’instruction, et aussi de la conduite du procès.

Il peut donc arriver que le juge s’insère dans le débat que mènent les parties, pour leur indiquer qu’il lui semble que le litige doit être réglé en fonction d’une règle qu’il introduit. C’est ainsi qu’en excès de pouvoir par exemple, l’incompétence de l’auteur de l’acte est considérée comme un vice suffisamment grave pour que le juge le soulève d’office. De même le juge administratif se refuse à appliquer un texte qui ne serait pas applicable (par exemple parce qu’il a été abrogé, ou bien parce qu’il ne concerne pas la question débattue), et il le fait savoir même si les parties s’entendent pour l’appliquer. Il en découle qu’en matière contractuelle, le juge se refuse à appliquer un contrat nul, et qu’il soulève donc d’office la nullité du contrat.

En revanche, le Conseil d’Etat vient de juger que le principe de l’unicité du décompte n’a pas la nature d’un moyen d’ordre public.

L’unicité du décompte ne peut pas être soulevée d’office

Un moyen ne peut être soulevé d’office qu’à la condition qu’il ressorte clairement des pièces du dossier. Aucune mesure d’instruction n’est nécessaire. Dans l’affaire jugée le 3 novembre 2014 par le Conseil d’Etat, n° 372040, société Bancillon BTP, la cour administrative d’appel avait constaté que le décompte avait été établi. Elle en avait déduit, alors que le moyen n’était pas invoqué en défense, que la société n’était pas recevable à demander le versement d’intérêts dus sur les acomptes, dès lors que ces sommes n’avaient pas été réclamées lors de l’établissement du projet de décompte.

Le Conseil d’Etat juge que la cour a commis une erreur de droit. En effet, selon lui : « si les parties à un marché public de travaux peuvent convenir que l’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution de ce marché est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde, arrêté lors de l’établissement du décompte définitif, détermine leurs droits et obligations définitifs, elles n’y sont pas tenues ; que, dès lors, ni le caractère unique et exhaustif d’un tel compte ni son caractère définitif, qui ne sont pas d’ordre public, ne peuvent être opposés d’office par le juge aux prétentions d’une partie ».

Cela signifie que l’unicité du décompte n’a pas la nature d’un principe général, qui s’imposerait aux parties, contrairement à ce que l’on aurait pu croire (par exemple CE, 21 juin 1999, n° 151917, Banque populaire Bretagne-Atlantique). Selon le Conseil d’Etat, l’unicité du décompte résulte de la volonté des parties. Il en découle qu’elle ne s’impose pas au juge et que le moyen tiré de cette règle n’est pas d’ordre public.

Laurent Marcovici


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