Le juge peut-il moduler l’application des pénalités de retard ?

Publié le 16 juin 2009 à 0h00, mis à jour le 16 juin 2009 à 0h00 - par

Lorsque les pénalités de retard infligées à l’entreprise atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché, le juge administratif peut les modérer ou les augmenter, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du Code civil. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’État dans un arrêt du 29 décembre 2008. Analyse et commentaire d’Olivier Caron et Alexandre Labetoule, Avocats.

Le juge peut-il moduler l’application des pénalités de retard ?

Faits

L’OPHLM de Puteaux a confié à la SARL Serbois un marché à bons de commande portant sur le remplacement des menuiseries extérieures de ses résidences. L’article 6-1 du CCAP du marché, d’une part, prévoyait que les travaux seraient exécutés dans les délais fixés par les ordres de service correspondants, et d’autre part, fixait les pénalités de retard applicables de la manière suivante : 100 francs pour le premier jour de retard, 150 pour le deuxième jour et 200 pour chacun des jours de retard suivants. Lors du règlement financier du marché, l’OPHLM a établi un décompte général faisant apparaître des pénalités de retard d’un montant de 968 350 francs, soit 147 637 euros. La société Serbois a contesté ce décompte avant de saisir le tribunal administratif de Paris d’une demande tendant au versement du solde du marché. Le tribunal a rejeté sa demande. En revanche, après avoir annulé ce jugement, la Cour administrative d’appel de Paris a arrêté le montant des pénalités de retard à 63 264 euros. Cette décision a été confirmée par le Conseil d’État.

Décision

Lorsque les pénalités de retard infligées à l’entreprise atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché, le juge administratif peut les modérer ou les augmenter, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du  Code civil.

Le conseil de l’avocat

Cette décision constitue un revirement de jurisprudence. Auparavant, le juge administratif s’interdisait de « toucher » aux clauses contractuelles relatives aux pénalités de retard. Il marquait ainsi sa différence avec son homologue judiciaire, lequel, en vertu de l’article 1152 du Code civil, n’hésite pas, de longue date, à modérer ou augmenter le montant des pénalités prévues contractuellement. Reste à vérifier jusqu’où le Conseil d’État sera prêt à aller dans cet élan unificateur. On peut d’ores et déjà observer qu’il n’applique pas directement l’article 1152 précité mais seulement « les principes dont s’inspire » cet article, selon la formule habituellement utilisée par le Conseil d’État pour se ménager une marge d’appréciation. Une première manifestation de cette autonomie figure dans la décision commentée. À la différence de l’article 1152 du Code civil qui confère « d’office » ce pouvoir de modulation des pénalités de retard au juge, ce n’est que lorsqu’il sera saisi de conclusions en ce sens que le juge administratif pourra user de son nouveau pouvoir.

Texte de référence : CE, 29 décembre 2008, Office public d’habitations à loyer modéré (OPHLM) de Puteaux, req. n° 296930, publié au Recueil Lebon

Extrait

« Il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d’augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s’inspire l’article 1152 du Code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché. »

Texte officiel

Code civil (article 1152).


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