Les créances administratives sont désormais plus facilement prescrites

Publié le 18 décembre 2014 à 0h00 - par

Le Conseil d’Etat permet aux avocats d’opposer la prescription quadriennale devant le juge.

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La prescription est en principe de quatre ans

Les personnes publiques bénéficient d’un régime de prescription de leurs dettes plus favorable que les personnes privées, que ce soit en matière contractuelle ou extracontractuelle. En effet, elles sont prescrites à l’issue d’un délai de quatre ans, de manière générale, même si dans certains domaines, comme en matière de responsabilité hospitalière, la loi a prévu un délai de dix ans. Cela résulte de la loi du 31 décembre 1968, qui a pris le relai des règles relatives à l’ancienne « déchéance » quadriennale.

Relevons que les régimes de prescription, courts comme ici, pourraient être critiqués sur le plan de l’équité, dans la mesure où il n’est pas naturel que des obligations disparaissent par le seul jeu de l’écoulement du temps. Le droit à l’oubli en faveur de l’administration se comprend plus difficilement que pour les personnes privées pour lesquelles le temps n’a pas la même texture.

C’est peut-être ce constat qui a conduit le législateur a interdire à l’administration d’invoquer la prescription pour la première fois en appel. Traditionnellement également, seul l’ordonnateur pouvait l’opposer, aux termes d’une jurisprudence aussi constante que réfléchie. Cette règle vient de changer.

Les avocats peuvent désormais opposer la prescription

La question n’est pas inédite, et le Conseil d’Etat avait déjà eu l’occasion de statuer sur cette question dans sa formation solennelle de la section du contentieux (CE, 29 juillet 1983, n° 23928, ville de Toulouse). A l’époque, le commissaire du gouvernement Renaud Denoix de Saint Marc expliquait les raisons de réserver aux ordonnateurs la faculté d’opposer la prescription : le fait que la loi de 1968 instituait un régime original, l’intention du législateur, la possibilité de relever le créancier de la prescription, et également l’esprit de la loi, exigeant une certaine rigueur.

Pourtant, par une décision du 5 décembre dernier, n° 359769, COMMUNE DE SCIONZIER, le Conseil d’Etat vient de revenir sur cette jurisprudence en décidant que « …aucun élément tenant à la nature de la prescription ne (fait) obstacle à ce que celle-ci soit opposée par une personne ayant reçu de l’autorité compétente une délégation ou un mandat à cette fin ; que l’avocat, à qui l’administration a donné mandat pour la représenter en justice et qui, à ce titre, est habilité à opposer pour la défense des intérêts de cette dernière toute fin de non-recevoir et toute exception, doit être regardé comme ayant été également mandaté pour opposer l’exception de prescription aux conclusions du requérant tendant à la condamnation de cette administration à l’indemniser ».

Le Conseil d’Etat fait donc ainsi sauter un nouveau verrou, par une jurisprudence favorable aux finances publiques, qui en ont peut-être davantage besoin qu’en 1983. Le droit des justiciables, créanciers de l’administration, n’en sort pas renforcé. Le Conseil d’Etat apporte sa pierre à la lutte contre les déficits.

Laurent Marcovici

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