Réseau Ferré de France : harmoniser les systèmes de signalisation

Publié le 5 décembre 2009 à 0h00 - par

En septembre 2009, Réseau Ferré de France a notifié le marché pour le déploiement du système de signalisation standard européen. Il sera développé sur deux sites pilotes pour être installé sur 2 200 km d’ici à 2018.

Réseau Ferré de France : harmoniser les systèmes de signalisation

À l’issue d’un appel d’offre européen lancé en novembre 2006, Réseau Ferré de France (RFF) a notifié en septembre 2009, à Alstom Transport, le marché pour la première mise en œuvre du système européen de signalisation sur les lignes classiques du réseau national. Ce système de contrôle-commande, appelé European Rail Traffic Management System – European Train Control System (ERTMS-ETCS), permet à un même matériel roulant de circuler sur plusieurs réseaux différents avec un seul équipement, facilitant le passage d’un pays à l’autre. Il existe en Europe une vingtaine de systèmes de signalisation. Ainsi, le système ferroviaire sera harmonisé.

Cet accord-cadre comprend la fourniture et la pose de la signalisation sur deux sites pilotes puis sur 2 200 km de lignes. Les lignes choisies constituent les sections françaises de deux grands corridors européens pour le fret ferroviaire : le corridor C (Anvers-Bâle-Lyon) et le D (Valencia-Budapest). Pour tester ce système standard, deux points frontières ont été choisis comme tests afin d’aborder les principales difficultés de réalisation. « Nous allons d’abord roder le processus avant de mettre en œuvre son déploiement industriel », explique Éric le Moal, chef du service nouvelles technologies de Réseau Ferré de France. Prévu pour une durée de cinq ans, l’accord-cadre prévoyait un nombre maximum de trois participants. « Nous souhaitions, si possible, retenir plusieurs candidats pour le développement et le déploiement du système. Un moyen d’ouvrir ce marché à la concurrence tout en réduisant notre dépendance. Ce choix ne devait cependant pas engendrer des coûts prohibitifs pour RFF », poursuit Éric Le Moal.

Des variantes dont une obligatoire

Quatre industriels ont proposé leurs candidatures sur les six du club Unisig, le groupe des constructeurs de l’ERTMS mis en place pour créer ce dispositif standard. Les critères de sélection des candidats sont : la solvabilité financière (25 %), qui repose sur le chiffre d’affaires de trois années et la démonstration de la faisabilité de la baisse des prix en fonction du volume ; les critères de moyens et les références (35 %), qui s’appuient sur les moyens humains et techniques mis en œuvre, un premier mémoire technique et des références comparables ; la pertinence et les éléments relatifs à la capacité technique (40 %), reposant sur la capacité de production et de déploiement, la démonstration de la capacité actuelle et enfin sur la démarche de couverture des risques vis-à-vis des évolutions du système. « Nous avons également sollicité les industriels sur le coût de maintenance », ajoute Éric Le Moal. Trois industriels ont envoyé une offre. Elle devait comprendre une offre de base et une variante imposée sur l’accélération du planning. Les variantes libres permettaient aux candidats « de faire valoir leur expérience en fournissant des solutions alternatives dans la manière d’implémenter le système. Des astuces avec éventuellement un intérêt économique ». Au final, un seul industriel a été choisi parce que le surcoût était trop important pour RFF. Deux ans et demi sont estimés pour le développement des dispositifs sur les sites pilotes. Huit ans pour l’installation sur les 2 200 km.

Entretien avec Éric Le Moal, Chef du service nouvelles technologies de Réseau Ferré de France

« La différence s’est faite sur la partie financière »

HA : Comment les deux tours de la négociation se sont-ils passés ?

Éric Le Moal : Trois candidats ont remis une offre. Après un échange de questions-réponses, nous avons effectué des réunions techniques avec chacun des candidats afin d’obtenir des compléments de réponse. Nous souhaitions constituer une short list en vue du second tour. À la fin de cette phase, nous leur avons demandé de nous remettre une offre technique et commerciale à jour de nos discussions. Le but était d’obtenir des offres comparables.

HA : Où se situaient les difficultés ?

E.L.M. : C’est un marché complexe. Un lot était constitué d’une tranche ferme avec prix forfaitaire fixe non révisable. Elle correspond au développement du matériel et à l’installation sur les sites pilotes. L’autre, la tranche optionnelle, équivaut à 95 % du montant du marché. Elle concerne l’installation du dispositif à partir d’une estimation du réseau à déployer.

HA : Pourquoi une estimation et pas le plan du réseau lui-même ?

E.L.M. : Sur le réseau existant, on trouve sept configurations technologiques. Or, certaines d’entre elles sont réalisées par les industriels qui postulaient. Nous ne voulions pas leur donner la répartition car nous savions que certains étaient plus forts que d’autres sur une famille technologique. Aussi devaient-ils donner le détail des prix en fonction des sept configurations types. Ensuite, nous effectuons en interne le calcul des coûts.

HA : Combien de candidats sont arrivés au second tour ?

E.L.M. : Nous avons poursuivi la négociation avec deux candidats. Pour cela, nous avons utilisé les critères de pondération suivants : 40 % pour le critère technique et 60 % pour le critère financier. Le candidat évincé l’a été car son estimation financière était beaucoup trop élevée par rapport aux autres.

HA : Pourquoi 60 % pour le critère financier ?

E.L.M. : Cette note comprend le coût de maintenance et les coûts opérationnels sur le cycle complet de vie du produit. Et ces travaux coûtent chers (l’estimation est de 113 millions d’euros).

HA : Quel a été le critère qui a différencié les candidats finaux ?

E.L.M. : Sur la notation technique, les candidats étaient assez proches. La différence s’est faite sur la partie financière. Alstom transport, qui était le challenger a opté pour une stratégie financière très agressive. Cet industriel était en perte de vitesse en France et ne pouvait pas se permettre de perdre ce marché.

HA : Comment avez-vous travaillé avec la SNCF ?

E.L.M. : Ils ont élaboré pour nous les sous-ensembles de la note critère technique, en tant qu’assistant maître d’ouvrage. Nous avons travaillé par ailleurs avec un cabinet expert afin d’avoir un œil extérieur concernant la communication entre la SNCF et nous.

HA : Pourquoi ?

E.L.M. : Le standard RTMS concerne les commandes à bord du train, mais chaque pays est libre d’utiliser sa manière pour implémenter le système au sol. Or ce standard comporte beaucoup d’options, de fonctionnalités et donc de possibilités. D’ailleurs, nous avons effectué un gros travail en amont pour faire notre choix dans le panel proposé. Or, c’est la SNCF qui a rédigé le cahier des charges. Faire intervenir un expert nous a permis de nous assurer que la transcription de nos besoins s’y retrouvait bien. L’expression du besoin se fait de manière textuelle, et non avec des modèles mathématiques. C’est complexe parce que le texte est forcément interprétable.

HA : Quels sont les points contractuels qui ont été négociés ?

E.L.M. : Ceux relatifs à la prise en charge du risque et aux assurances. Et puis nous voulions être propriétaires des éléments nécessaires à la remise en concurrence pour la mise en place progressive du dispositif.

HA : Quelles ont été les principales difficultés de ce marché ?

E.L.M. : Conserver le cadre et respecter la procédure. Tous les industriels avaient tendance à déroger au cahier des charges. Dans les variantes pouvaient se glisser des particularités ne le respectant pas non plus. Pourtant, nous avions demandé un tableau récapitulant les dérogations au cahier des charges. Chaque industriel a sa stratégie à ce niveau-là. L’analyse technique fut compliquée car il fallait conserver son objectivité tout en jugeant de l’aspect novateur des offres.

CONTACT
Éric Le Moal, Chef du service nouvelles technologies du Réseau Ferré de France
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