Dématérialiser tes marchés publics, tu devras !

Publié le 3 mai 2016 à 9h57 - par

À un moment où tous les regards sont tournés vers le décret d’application du 25 mars dernier de l’ordonnance relative aux marchés publics, une « menace fantôme », beaucoup plus importante, est bien présente dans la galaxie des décideurs publics ! Celle des obligations liées à la dématérialisation des marchés publics.

Dématérialisation des procédures

La France tente depuis plus de quinze ans de convertir les acheteurs publics à la dématérialisation des marchés publics

Une histoire digne de la « Guerre des Étoiles »

Apparue dans l’histoire moderne, au sein de la Directive 1999/93/CE du Parlement Européen et du Conseil, la dématérialisation des marchés publics n’a cessé d’être évoquée d’un point de vue du droit : décret du 30 mars 2001 relatif à la signature électronique, directive 2004/18/CE, article 56 du code des marchés publics 2006, arrêté du 15 juin 2012 relatif à la signature électronique pour s’achever plus récemment par l’ordonnance 2015-889 du 23 juillet 2015. Cette ordonnance consacre l’échéance du 1er avril 2017 pour les centrales d’achat et du 1er octobre 2018 pour l’ensemble des acheteurs publics en matière d’obligation de dématérialisation.

Durant ces quinze dernières années, les pouvoirs publics n’ont cessé d’essayer d’initier les acteurs de la commande publique à la dématérialisation :

  • Depuis 2010, l’acheteur peut imposer la réponse électronique pour toutes les procédures formalisées et ceci est obligatoire dans le domaine informatique
  • Publication en juillet 2011, d’un guide pratique de la dématérialisation des marchés publics
  • Plan national de la dématérialisation des marchés publics du 22 juillet 2015
  • Mise en place du marché public simplifié (MPS) en 2015
  • Programme de développement concerté de l’administration numérique territoriale DcANT en 2015 et mise en place de pilotes en 2016
  • Publication au JOUE du Document unique de modèle européen (DUME) le 6 janvier 2016

Sans oublier d’évoquer les organismes de formation ayant tous un catalogue complet en la matière ou encore les petits déjeuners thématiques organisés par WEKA et autres évènements ou rencontres dédiées !

De nombreux acheteurs publics restés du côté obscur de la dématérialisation !

Malgré ce contexte en matière de droit européen et national et ces nombreuses initiatives, seuls 15 % des marchés font à ce jour l’objet d’au moins une réponse électronique et moins de 5 % des procédures le sont au-delà de la publicité ! (Source : ministère de l’Économie – OEAP)

La France est pourtant aujourd’hui un des États membres les plus investis dans la dématérialisation des échanges, que ce soit dans les relations entre les citoyens et l’administration (60 % des échanges en France contre 41 % au sein de l’UE) ou dans l’usage d’internet (96 % des entreprises en France contre 88 % dans l’UE).

Comment alors expliquer ce décalage en matière de dématérialisation de la commande publique ?

La position de la France, malgré les initiatives nationales évoquées, de retarder l’entrée en vigueur d’obligations en matière de dématérialisation ces quinze dernières années peut s’expliquer par une commande publique unique en Europe. En effet, un acheteur public sur deux en Europe est français et une procédure sur deux en Europe est publiée en France. Cet « émiettement » de la commande publique a été à juste titre considéré comme peu propice au financement et au déploiement des moyens techniques,  à l’évolution des pratiques et à l’importante conduite du changement à mener.

Il est alors aisé d’en conclure que l’année 2016 et plus encore 2017 seront deux années où vont se produire de manière simultanée, l’accélération de la mutualisation des achats (État, Collectivités, établissements de santé) et la dématérialisation des procédures sans oublier celle des factures.

Le nécessaire « Réveil de la Force »

Passé ce constat plutôt négatif, force est de constater qu’un certain nombre d’acheteurs publics ont décidé depuis plusieurs années de rejoindre bien avant d’autre la galaxie de la dématérialisation. Saluons ainsi le travail réalisé par les régions Bourgogne et Bretagne, la ville de Poitiers ou encore l’UGAP qui, pour ce qui la concerne, impose depuis le 1er janvier 2014 la dématérialisation à l’ensemble de ses procédures sans limite de seuils ou de périmètre. Près de 60 procédures par an et 600 marchés passés annuellement sans aucune difficulté et ce avec près de 60 % de PME !

Ces initiatives ont démontré la faisabilité d’une dématérialisation réussie et ces acteurs en tirent aujourd’hui tous les bénéfices en matière de productivité mais avant-tout en matière de sécurisation de leurs processus (procédure et exécution des contrats). La dématérialisation contribue à apporter tous les éléments de preuve au respect des principes de transparence, d’égalité de traitement et d’accessibilité à la commande publique.

Tous les autres acheteurs publics sont invités dès à présent à se mettre en ordre de marche afin d’être prêts dans un peu plus de deux ans. Ce réveil indispensable ne concerne pas que les acheteurs ! Il concerne également l’ensemble des acteurs du processus achat (Direction juridique, Direction financière et comptable, Contrôle de légalité…). Réveil d’autant plus urgent que les entreprises (même les PME !) s’y convertissent de plus en plus rapidement et vont donc naturellement et bien avant octobre 2018 accélérer la généralisation de la réponse électronique !

Les points clés pour passer à un « nouvel espoir »

Le point le plus important consiste et de manière définitive à ne plus considérer la dématérialisation des marchés publics comme une contrainte ou une obligation mais bien comme une opportunité. Une approche positive servant les intérêts des acteurs de la commande publique, des entreprises mais également de l’État dans la mise en place d’un Open Data de l’achat public.

La réussite repose sans nul doute sur les points clés suivants :

  • Une mobilisation en mode projet au plus haut niveau de responsabilité de la personne publique
  • La désignation de chefs de projets appartenant à la structure et fortement motivés
  • La mise en place rapide d’un profil acheteur et de l’accompagnement nécessaire en matière de formation
  • La mise à jour rapide des parcs informatiques (grand écran ou double écran, applets et niveaux de sécurité des navigateurs)
  • La mise en place d’une campagne d’information auprès des entreprises
  • L’adaptation de tous les documents et notamment le règlement de consultation
  • La mise en place d’un plan permettant un passage rapide à une dématérialisation de l’ensemble des procédures y compris sous les seuils. La gestion simultanée de réponses papiers et de réponses dématérialisées complexifiant les processus internes

« La peur est le chemin du côté obscur. La peur mène à la colère, la colère mène à la haine, la haine mène à la souffrance. »  (Star Wars, épisode I : La Menace fantôme)… Il est donc temps en matière de dématérialisation de passer du bon côté de la force !

Sébastien Taupiac,
Directeur délégué à l’innovation à l’UGAP


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