La situation des proches aidants

Publié le 12 novembre 2014 à 0h00 - par

Les 5 et 6 novembre, la CNSA consacrait ses 3es Rencontres scientifiques pour l’autonomie au thème : « Être proche aidant aujourd’hui ».

En France, 8,3 millions de personnes aident régulièrement un conjoint, un parent, un enfant, un frère ou une sœur en situation de handicap ou de perte d’autonomie à son domicile. Voilà pourquoi la CNSA a consacré, début novembre à Paris, la troisième édition de ses Rencontres scientifiques pour l’autonomie au thème : « Être proche aidant aujourd’hui ». Ces journées ont rassemblé plus de 650 personnes. Elles ont permis de faire le point sur les connaissances concernant les multiples facettes du rôle d’aidant.
 

Le rôle d’aidant et la relation à l’autre

À la question « est-il naturel d’être aidant ? », Martyne-Isabel Forest, directrice des affaires juridiques du Réseau international francophone vulnérabilité et handicap, répond que « le plus sage est sans doute de dire oui et non » et, peut-être même, « de ne pas se poser la question de la sorte ». Elle suggère plutôt de considérer l’aidant comme un partenaire, possédant des savoirs essentiels à la prise de décision. Ce que préconise également le Conseil de la CNSA depuis 2011.

Pour Hélène Davtian et Régine Scelles, psychologues cliniciennes, il existe deux enjeux dans la relation entre l’aidant et son aidé. Pour l’aidant, un enjeu de coexistence : « être à côté de son proche tout en restant soi-même, (…) être à ses côtés sans se sentir menacé et sans représenter une menace pour lui ». Pour la personne aidée, l’enjeu est que « la personne protégée fasse reconnaître ses compétences à exercer son libre arbitre concernant la nature des liens qu’elle souhaite entretenir avec son proche ». Pascale Molinier, professeure de psychologie sociale à l’université Paris 13, évoque le care et une vision partenariale des relations entre celles et ceux qui prennent soins – familles ou salariés – et celles et ceux qui reçoivent le soin.
 

La conciliation avec la vie professionnelle

De plus en plus de personnes auront, à l’avenir, à combiner travail et aide. Aurélie Damamme, maître de conférences en sociologie à l’université Paris 8, indique même qu’une personne peut être amenée à fournir de l’aide à plusieurs périodes de sa vie et à aider plusieurs proches.

La conciliation avec la vie professionnelle dépend du soutien apporté aux aidants, notamment dans le milieu professionnel. Robert Anderson, responsable de l’unité conditions et qualité de vie à Eurofund, a fait état de différentes initiatives recensées au niveau européen : réorganisation et flexibilité du temps de travail (temps partiel, restructuration des jours de travail et des modalités de congés), possibilité de prise de congés de longue durée ou en urgence, mise à disposition d’informations, conseil et orientation du salarié vers les services à contacter, promotion d’une attitude bienveillante entre collègues.

Pour lui, l’Union européenne a un rôle à jouer dans la promotion de ces bonnes pratiques et dans la mise en œuvre de recherches permettant d’évaluer l’impact de ces actions. Il estime également que cela devrait être un sujet de discussion entre syndicats et employeurs, afin d’aboutir à des accords collectifs.
 

Vers un meilleur suivi de la santé des aidants

Fatigue, état de stress chronique causé par la réalisation continue de tâches physiquement ou émotionnellement éprouvantes pouvant aller jusqu’au burn-out, non recours aux soins… De nombreuses études ont démontré les répercussions négatives de l’aide sur la santé de l’aidant.

Jean-François Buyck, médecin de santé publique, a quelque peu nuancé ces constats. Les résultats de la cohorte GAZEL indiquent que, lorsque l’aidant accompagne un proche encore peu dépendant, les effets sur sa santé peuvent être positifs. La satisfaction personnelle d’apporter de l’aide à un proche en difficulté, couplée à une augmentation modérée de l’activité physique et à l’adoption d’un mode de vie plus sain, sont alors bénéfiques à l’aidant. Toutefois, ces situations restent marginales. C’est ainsi que la Haute Autorité de santé (HAS) recommande une consultation médicale annuelle aux aidants de personnes ayant une maladie d’Alzheimer ou apparentée, pour être attentif à leur état psychique et nutritionnel. Elle conseille de s’assurer que les aides mises en place pour son aidé correspondent aussi à ses besoins et préconise la proposition de solutions de répit. La Mutualité sociale agricole (MSA) a présenté une action expérimentale similaire, qui consiste à proposer aux aidants un atelier de sensibilisation au stress, une consultation médicale et un échange collectif sur les solutions de répit.
 

Les conditions de réussite des solutions d’entraide et de répit

Les intervenants ont décrit le foisonnement des solutions existantes pour offrir du répit aux aidants, les sortir de leur isolement, les soutenir (plateformes de répit, accueil temporaire, villages répit famille…). Les études montrent que plusieurs conditions doivent être réunies pour que le soutien soit efficace, rapporte la CNSA :

– Il doit reposer sur de multiples services (être multidimensionnel), services qui doivent être adaptables et évolutifs en fonction du besoin.

– Il est nécessaire de reconnaître le rôle des aidants et de les impliquer dans le projet de vie de la personne qu’ils soutiennent.

– Les aidants hésitent parfois à recourir à tel ou tel dispositif. Il est donc indispensable de travailler sur leurs craintes (échanger avec eux, visiter un accueil de jour…).

– L’Anesm recommande de former et de sensibiliser les professionnels au vécu des aidants.

À présent, souligne Hélène Villars, praticien hospitalier, « il est nécessaire d’évaluer le bénéfice de ce type d’action [de répit] sur la santé et la qualité de vie de la personne aidée et de son aidant, dans l’idée de faire évoluer les solutions apportées pour rester au plus proche des attentes de la dyade aidant/aidé ».
 

S’appuyer sur des aides techniques au quotidien

L’aide professionnelle est le premier contributeur au bien-être des aidants, mais d’autres mesures permettent d’agir en complément. C’est, par exemple, le cas des aides techniques, qui peuvent faciliter le quotidien des aidants, être un élément de confort ou de sécurisation. Elles sont encore peu utilisées, souvent par manque d’information, par méconnaissance. Anne-Sophie Rigaud, chef de service à l’hôpital Broca, préconise de les faire connaître aux professionnels, qui les prescriront ensuite aux personnes en perte d’autonomie et à leurs aidants. Mais, pour Vincent Rialle, maître de conférences, il faut veiller à ce que la puissance technologique n’impose pas sa logique et ses exigences.


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