Comment obtenir le paiement d’une somme que le juge administratif a mis à la charge de l’administration ?

Publié le 18 avril 2016 à 13h34 - par

En principe, il devrait être aisé d’obtenir l’exécution d’une décision de justice.

appel d'offres

Un problème fréquent

Un particulier, ou une société, en litige avec une personne publique, par exemple à l’occasion de l’exécution d’un marché public, obtient devant le juge administratif la condamnation de la personne publique à lui verser une somme. Dans le meilleur des mondes possibles, l’administration s’exécute, et les choses en restent là. Mais l’expérience montre qu’il n’en est pas toujours ainsi. Soit mauvais vouloir structurel, soit espoir plus ou moins fondé d’obtenir satisfaction, en appel ou en cassation, certaines personnes publiques, et notamment des collectivités territoriales, ou des établissements publics locaux traînent les pieds.

Conscient de ces dysfonctionnements, le législateur a créé une procédure de contrainte au paiement. La loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 permet ainsi au bénéficiaire de la décision de justice de saisir le préfet qui mandatera d’office les sommes dues à l’administré. Cette loi est antérieure aux dispositions du code de justice administrative, qui prévoit dans ses articles L 911 et suivants, qu’il appartient aux juridictions administratives d’assurer l’exécution de ses décisions. Par ailleurs, la procédure devant le préfet n’est pas toujours couronnée de succès.

Comment s’articulent ces deux catégories de règles ?

La jurisprudence Lother et ses suites

La loi de 1980 prévoit que le Conseil d’État est investi du pouvoir de faire exécuter ces décisions. L’arrêt du Conseil d’État du 6 mai 1998, Lother, n° 141236 (confirmé par CE, 24 novembre 2003, SARL Le Cadoret, n° 250436), juge que, dès lors que le requérant dispose de la possibilité de saisir le préfet pour mandatement d’office des sommes en cause, il ne peut pas demander au Conseil d’État de prononcer une injonction, et donc une astreinte. En conséquence, aucune demande en la matière ne peut être adressée à la juridiction. La seule voie ouverte consiste donc à s’adresser au préfet. En cas d’inertie du préfet, la seule manière de le contraindre serait donc d’engager un nouveau contentieux, toujours devant les juridictions administratives.

Face à cette situation, les juridictions administratives subordonnées ont réagi, et notamment la cour administrative d’appel de Marseille qui a pris en toute connaissance de cause, le contrepied de la jurisprudence Lother (CAA Marseille, 17 décembre 2012, Mme Clément, n° 12MA03999).

La Section du rapport et des études du Conseil d’État, qui est chargée des questions d’exécution, s’en est émue. Tout en reprochant son attitude à la Cour de Marseille, elle n’appelle pas pour autant à une application stricte de la jurisprudence puisqu’elle prescrit de saisir l’autorité administrative de la demande d’inscription d’office de la somme due, puis en cas d’échec de se tourner à nouveau vers la juridiction qui retrouverait ses pouvoirs en la matière, évitant ainsi la phase de recours contentieux contre le refus d’inscrire d’office. Mais cette manière de faire n’est permise par aucun texte, et ne semble pas conforme à la jurisprudence. Affaire à suivre donc.

Laurent Marcovici


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