Ordre administratif et pouvoir réglementaire

Publié le 8 octobre 2014 à 0h00 - par

Les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle doivent être supportés par l’employeur.

Le rôle créateur du Conseil d’État

Les juridictions sont-elles seulement la « bouche » de la loi, ou la jurisprudence est-elle une source de droit ? La question, si elle peut paraître abstraite et doctrinale, n’en a pas moins de fortes conséquences concrètes.

En ce qui concerne les juridictions administratives, la réponse est claire. Depuis l’arrêt Tropic de 2007, qui a créé de toute pièce, notamment, une procédure nouvelle de recours contentieux, et lui a donné une date d’application, il ne fait plus de doute que le Conseil d’État s’accorde un pouvoir créateur.

Ce n’est certes pas nouveau, puisque, même auparavant la juridiction suprême de l’ordre administratif imposait des normes qui s’imposaient au pouvoir réglementaire, et cela depuis l’arrêt Aramu de 1945. Il est vrai que la fiction voulait que le Conseil d’État ne créait pas, mais se bornait à « découvrir » un principe qui préexistait compte tenu de l’état de la société à un moment donné. On comprend l’utilité de cette fiction, destiné à légitimer l’intrusion d’une juridiction dans le pouvoir réglementaire, par ailleurs pleinement justifiée par la défense des droits fondamentaux (principe d’égalité, défense de licencier une femme enceinte, droit à percevoir un revenu au moins égal au SMIC).

Si la grande époque de découverte est passée, l’outil est encore utile, comme le montre l’arrêt du Conseil d’État du 17 juin 2014, n° 368867 368868, Société Électricité Réseau Distribution France (ERDF), société Gaz Réseau Distribution France (GRDF) et société Électricité de France (EDF).

L’arrêt du 17 juin 2014

Une circulaire d’EDF-GDF de 1973, modifiée en 1974, mettait, au moins implicitement, à la charge des agents le nettoyage des vêtements dont le port était imposé « soit pour des raisons d’hygiène, de sécurité et de santé au travail, soit pour des raisons d’image de marque de l’employeur ». L’appréciation de la légalité de cette circulaire a été portée devant la juridiction administrative.

À cette occasion, le Conseil d’État juge que « les frais qu’un salarié expose pour les besoins de son activité professionnelle et dans l’intérêt de son employeur doivent, dès lors qu’ils résultent d’une sujétion particulière, être supportés par ce dernier… S’agissant de l’entretien et du nettoyage de vêtements de travail imposés par l’employeur, sont ainsi concernés les frais qui excèdent les charges qui résulteraient de l’entretien et du nettoyage des vêtements ordinairement portés par le salarié, soit que le port du vêtement de travail soit imposé en plus de ces derniers, soit que son entretien occasionne des frais particuliers ».

De manière assez classique, pour « découvrir » ce principe général, le Conseil d’État se fonde sur les dispositions légale et réglementaire qui instituent ce principe de gratuité au profit des travailleurs du secteur privé. La Haute juridiction s’efforce ainsi d’assurer une protection aux salariés du secteur public, à hauteur de celle dont bénéficient les salariés du secteur privé.

Laurent Marcovici


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