La protection de l’enfance, «un investissement humaniste»

Publié le 11 avril 2012 à 0h00 - par

Michel Eymenier travaille dans le secteur de la protection de l’enfance depuis les années 70. Spécialiste du sujet, il est l’un des animateurs de la formation « Accompagnement à la parentalité, les nouveaux modes de placement », proposée par Weka.

Weka : Quel est votre parcours ?

Michel Eymenier : Je travaille dans le cadre de la protection de l’enfance depuis 1975. J’ai commencé au sein de l’Éducation surveillée, qui s’appelle aujourd’hui la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ). J’ai été éducateur, puis je suis passé à la Direction des affaires sanitaires et sociales (DAAS).

Au moment de la décentralisation, je suis devenu inspecteur de l’aide sociale à l’enfance. J’ai arrêté un temps pour me tourner vers le secteur privé, la communication événementielle très exactement, ce qui m’a permis par la suite d’obtenir un poste de responsable d’un service de communication et d’information dans un conseil général. Il y a une quinzaine d’années, je suis revenu à mes premières amours : j’ai répondu à un appel de poste à la Direction de l’enfance et de la famille.

Weka : Vous connaissez donc bien le contexte actuel de la protection de l’enfance…

Michel Eymenier : En effet. Et pour le comprendre, il faut rappeler les textes fondateurs. La loi de 1889, tout d’abord, qui commence à s’intéresser aux enfants en parlant de la déchéance de la puissance paternelle. Suivent ensuite les lois sur l’assistance publique de 1904, qui ont affirmé que l’État était responsable de la protection de l’enfance. À l’après-guerre, l’ordonnance de 1945 concernant les mineurs délinquants affirme la primauté de l’éducation. Les ordonnances de 1958 et 1959 donnent quant à elles tout le volet civil, c’est-à-dire la possibilité, lorsqu’un enfant est danger, de saisir l’autorité judiciaire. En 1989, une loi sur les mineurs maltraités vient renforcer cette protection de l’enfance, notamment dans les cas de violence ou d’inceste. Enfin, la loi de réforme du 5 mars 2007 apporte des notions nouvelles, des principes, et pose un cadre général.

Ce qui est important aujourd’hui, c’est de réaffirmer que ces enfants ont des parents. Ce sont eux leurs premiers protecteurs. Il faut respecter leurs droits et en même temps, être capable de leur apporter un certain soutien en cas de problème. Il y a trois niveaux d’aide actuellement : le droit commun, qui consiste à prévenir les difficultés auxquelles les parents sont confrontés dans l’éducation de leurs enfants ; l’aide sociale, qui peut aller jusqu’à la prise en charge ; et l’aide de contrainte. Celle-ci intervient en cas de refus des parents de collaborer ou de participer à la protection de leurs enfants (article 226-4 du Code de l’action sociale et des familles).

Weka : Quels sont les enjeux pour les conseils généraux et les associations ?

Michel Eymenier : Les situations sont complexes : nous nous retrouvons face à des familles monoparentales, au chômage, à la crise, à la pauvreté. La question de la protection de l’enfance est de plus en plus lourde à gérer pour les collectivités, à la fois en termes de prise en charge et en termes de moyens.

Aujourd’hui, l’acteur majeur, c’est le conseil général. Vient ensuite la PJJ, qui, ces dernières années, s’est un peu désengagée de l’action sociale et éducative, et qui se recentre, par la volonté de son ministère, au pénal. Et enfin, il y a tous ceux qui, d’une certaine manière, participent à la protection de l’enfance – les associations, les magistrats, l’école, les crèches, les haltes-garderies, etc. – et qui ont du mal à mettre en œuvre le suivi de ces enfants. Les départements se retrouvent donc tout seuls. La loi du 5 mars 2007 précise que le président du conseil général est le chef de file de la protection de l’enfance. C’est souvent interprété comme une sorte d’omnipotence, ce qui est faux.

Autre enjeu : trouver le juste équilibre entre le respect du droit des personnes, et des parents en particulier, et la nécessité de protéger les enfants. Jusqu’où peut-on aider la famille ? Comment peut-elle évoluer ? Faut-il lui laisser la garde des enfants ? Toutes ces questions sont primordiales.

Weka : Quelles seraient, selon vous, les solutions à tous ces problèmes ?

Michel Eymenier : Au niveau politique, il faudrait que cette mission de protection de l’enfance soit vraiment prise en compte. C’est un investissement humaniste, dans le sens où quand on aide un enfant en difficulté, on aide toute la société. Il faudrait aussi clarifier la place du département comme étant « chef d’orchestre » et non pas « omnipotent », afin de prendre en compte l’ensemble des acteurs.

Au niveau technique, il faudrait être plus innovant, proposer des formes alternatives à la prise en charge et à la séparation, tout en travaillant plus étroitement avec les parents. Ce n’est pas en leur enlevant des droits qu’ils seront plus efficients. Au contraire, c’est en les responsabilisant et en les rendant acteurs de la situation que cela pourra évoluer.

Weka : Vous animez la formation « Accompagnement à la parentalité, les nouveaux modes de placement » pour Weka. Que peut-elle apporter aux travailleurs sociaux et aux services ?

Michel Eymenier : J’y présente ces modes alternatifs et toute l’innovation que cela implique.  Un magistrat de l’enfance est à mes côtés, ainsi qu’une personne travaillant au sein d’un service social et qui rend compte de son quotidien. Il y a donc la théorie et la pratique, toutes deux essentielles pour les acteurs du secteur.

 

En savoir plus :

Weka Formation : Accompagnement à la parentalité

Objectifs :

  • Autorité parentale et placement : nouvelles mesures, nouvelles prises en charge.
  • Faire le point sur les nouveaux modes de placement.
  • Acquérir une méthodologie pour mieux travailler avec les familles.

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